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L'aberration de la diffusion en 4K (et au-delà) | Solidream - Rêves, Défis et Partage - Récits, films documentaires d'aventure
Opinion sur les méfaits de la diffusion vidéo en 4K et son impact écologique
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L’aberration de la diffusion 4K (et au-delà)

C’était un jour d’hiver en sortant de Death Valley National Park à vélo, il neigeait ! À quelques encablures de l’endroit le plus chaud de la Terre, de gros flocons nous tombaient dessus alors que nous luttions sur la piste pour passer le col avant qu’il ne soit trop tard. Nous étions seuls depuis la veille lorsqu’un type a débarqué d’un 4×4 en sens inverse pour capturer ce moment exceptionnel. Il a sorti un gros boîtier de chez Hasselblad, cette marque suédoise qui propose un capteur plein format à 40 000 € et une résolution de 10 fois le Full HD de notre caméra, chèrement payée à l’époque pour 1000 €. Le soir dans la tente, nous faisions des coupes de nos prises de vues à même l’écran pour économiser nos cartes SD. Lui et nous faisions des images, mais ça ne voulait pas exactement dire la même chose.

 

Fait exceptionnel à filmer : de la neige s’abat sur Death Valley National Park ! On se le fait en 4K ou pas ?

Lorsque nous sommes partis en 2010 pour 3 ans, la 4K (résolution d’image 4096 × 2 160 pixels, standard DCI) n’était vraiment pas démocratisée. Nous voulions ramener un joli film si nous allions au bout. Notre budget était assez limité et le film a pourtant pris une part non négligeable de l’enveloppe, plus que ce que nous imaginions au départ. Quelques années plus tard, avec des images comme celles de Death Valley, nous avons réussi à émouvoir le public sur des écrans de plus de 15m avec des images sorties de ce matériel, au festival de La Rochelle par exemple dans une salle de 800 personnes venues s’en prendre plein les yeux et les oreilles.. Nous avons gagné le prix du public cette année-là.

 

Nous sommes en 2019 et on voudra bientôt nous faire raquer de la 8K pour regarder le détail des larmes de M’Bappé lorsqu’il perdra son prochain 8ème de finale de ligue des champions avec le PSG (oué, ce tacle est gratos). Après tout, si des gens veulent ça, pourquoi pas, mais il y a pas mal de faits qui remettent en cause l’intérêt réel de vouloir assouvir un tel désir.

« Je ne vois pas vraiment la différence sur un écran TV de 180 cm » - Bob Zitter, vice-président de la chaîne américaine HBO

  • La première chose, c’est l’aberration écologique que ce « progrès » représente. Quand on passe du Full HD au 4K, on ne double pas le nombre de pixels, on le quadruple (ça n’est pas linéaire). Voici la chaîne d’impact que cela représente : augmentation des tailles de fichiers => augmentation des quantités et/ou tailles de cartes SD et disques durs de sauvegarde fabriqués => augmentation de la matière première et de l’énergie nécessaire (en plus c’est très souvent du plastique). Ça, c’est juste pour la partie production.
    Pour la partie diffusion, ça donne : augmentation des fichiers de diffusion => augmentation de l’espace serveur allouée par minute de vidéo (pour Youtube et consorts) => augmentation (drastique) de la consommation en énergie des immeubles de serveurs => augmentation des capacités d’acheminement d’un débit de données aussi grand (déploiement de la fibre ou autre) => production/remplacement d’écrans, ordinateurs et tablettes capables de lire du 4K (qui consomment donc plus d’énergie). Quand on sait que 82% du trafic Internet mondial concerne le streaming vidéo, on saisit l’enjeu de cette course absurde à la résolution. On peut trouver sur Internet tout un tas de chiffres pour se convaincre qu’on s’achemine vers une aberration écologique. Par exemple, sur la 8K : « La transition des 300 millions de postes TV aux USA correspondrait à une augmentation de la consommation électrique de trois “San Francisco” ». Yeah !

 

  • Si on n’est pas écolo, ceci est édifiant : pour les écrans d’ordinateur, la différence entre un moniteur 4K et Full HD ne se fait sentir qu’à partir de 80 cm environ pour le commun des mortels. John Galt, vice-président de Panavision, a déclaré que, dans un cinéma classique : « pour percevoir les détails offerts par la 4K, il faut être placé dans les six premiers rangs, sinon on ne perçoit pas la différence. » Bob Zitter, vice-président de la grande chaîne américaine HBO, dit encore « ne pas vraiment voir la différence sur un écran TV de 180 cm ».

 

  • Si on n’est pas écolo et qu’on a vraiment de bons yeux, rappelons-nous que : la qualité d’un film ne dépend pas que de son image. Pour commencer, il y a le son, qui fait la moitié d’un bon film. Ensuite, une bonne histoire n’a pas besoin de 4K (ou plus) pour émouvoir. La qualité ou l’originalité d’un bon montage non plus.

 

  • Si on n’est pas écolo, qu’on a vraiment de bons yeux et qu’on se contrefout de ces arguments, on peut aller gentiment se faire cuire un œuf (2ème tacle gratos). Ou devenir un tant soit peu écolo, au choix.

« la qualité d’un film ne dépend pas que de son image. Pour commencer, il y a le son, qui fait la moitié d’un bon film. Ensuite, une bonne histoire n’a pas besoin de 4K (ou plus) pour émouvoir. »

Ça c’était pour les arguments objectifs (enfin presque). Pour la partie porte-monnaie, disons que si nous passions aujourd’hui sur une production 4K de bout en bout, il nous faudrait réinvestir 4000 € (au bas mot) dans un ordinateur capable de traiter le montage et la postproduction de ces fichiers, dans un espace de stockage capable de sécuriser ces données (coût estimé : 4000 €), dans des cartes SD capables d’encaisser le débit vidéo minimum pour que cette résolution ait un vrai intérêt (estimation 500 €) et faire installer la fibre (très très cher pour nous qui ne sommes pas reliés dans notre Camargue) pour vous le proposer sur Youtube ou autre, sachant que peut-être 5% d’entre vous pourraient en profiter. Et si le film était nul, il le serait quand même en 4K, évidemment.

 

Mettons un peu d’eau dans notre vin : il y a quand même un intérêt à la 4K et résolutions plus grandes encore, mais cela concerne surtout des besoins de production spécifiques (pour le recadrage et la stabilisation d’image par exemple). On peut aussi imaginer des besoins spécifiques dans le milieu de la science (observation d’étoiles, surveillance de fonds marins…). Mais faire croire que l’expérience filmique de tout un chacun va être sublimée grâce à plus de pixels, nous n’y souscrivons pas. En attendant, la TNT en 4K c’est pour bientôt, mais tout va bien puisque la transition écologique est en cours !

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