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Les roues dans la crise | Solidream - Rêves, Défis et Partage - Récits, films documentaires d'aventure
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Les roues dans la crise

Le goudron parfait, les nombreuses pistes cyclables, les automobilistes prudents, les jardins publics verdoyants, les voitures flambant neuves, les écrans plats de 2 m sur les murs, les hypermarchés immenses, les concessionnaires Porsche, BMW et Mercedes vitrés, les sacs à main Louis Vuitton chics et les iPhone 5 greffés au bout du bras. Nous voici dans une société où la crise économique fait rage depuis plusieurs années. Nous pouvons douter. Est-ce réellement une crise économique  ? Ne serait-ce pas une crise existentielle ? 

Sécurité ou Liberté ?

Le repas du soir

Le repas du soir

La réussite et la puissance d’une nation se mesure-t-elle par l’importance qu’a pris la sécurité de ses habitants au dépend de leur liberté ? Le développement d’un état est-il proportionnel aux nombres de règles que sa population accepte de suivre ? Les interdictions et les obligations sont–elles nécessaires à la croissance économique d’un pays ?

Nous arrivons en Autriche, le soleil se fait timide et nous commençons à chercher un point d’eau pour la toilette quotidienne. Rituel que nous maîtrisons parfaitement. Tout en pédalant nous guettons le moindre tuyau, robinet, fontaine, rivière ou toilettes publics. Le premier de l’équipe qui repère un bon « spot » avertit les autres et nous éliminons le sel déposé par la sueur séchée, nous nous libérons de la poussière emmagasinée toute la journée sur notre peau tannée et nos cheveux rêches. Mais ce soir là nous ne trouvons pas d’accès à l’eau public et décidons d’aller discuter avec les pompiers de la caserne.

Un grand gaillard rasé, l’oeil vif, nous ouvre la porte et nous lui demandons si nous pouvons utiliser l’eau du robinet situé à l’extérieur du bâtiment. Il nous répond poliment et dans un bon anglais :

–       Il faut une autorisation pour ouvrir la vanne, je suis désolé. Nous avons des douches dans la caserne mais je n’ai pas le droit de vous laisser rentrer. Je suis vraiment désolé.

–       Pas de problèmes, savez-vous où est-ce qu’on peut trouver de l’eau ?

–       Ce n’est pas évident par ici. Laissez moi réfléchir…

Après avoir grillé quelques calories à faire chauffer la machine cérébrale il nous dit :

–       Vous pouvez prendre cette rue sur 500 m, traverser les rails, tourner à droite, longer le champ sur 300 m. Là-bas vous trouverez un robinet. Mais faîtes attention car c’est l’eau réservée aux paysans, s’ils vous voient ils risquent de vous engueuler.

Le mec est super sympa mais nous hallucinons. Que se passe-t-il dans la tête de cet homme et de ses semblables ? Comment peuvent-ils se noyer dans les règles jusqu’à ne plus voir la lumière du jour ? Nous  sommes au pied des Alpes autrichiennes, les rivières coulent à flot et les arroseurs automatiques fonctionnent à plein dans les champs. Nous avons besoin d’à peine 2 L chacun… Jamais pareille situation ne serait arrivée en Asie par exemple.

Nous le remercions et filons à 50 m de là, et nous lavons à l’eau d’un robinet situé contre un restaurant à 5 m d’un rond point. Il fait nuit, nous sommes un peu cachés derrière une voiture garée là et rions de l’absurdité de la situation.

L’Autriche et l’Allemagne en règles

Biergarten à Munich

Biergarten à Munich

Nous ne connaissons personne à Vienne et décidons d’éviter la capitale puis longeons le Danube pendant une journée. C’est un slalom permanent pour doubler et éviter les centaines de cyclistes qui vadrouillent le long de cet itinéraire connu chez les cyclo-voyageurs :  certains profitent de leur dimanche ensoleillé pour oxygéner un corps ramolli par des semaines devant un écran : un ordinateur au travail, un téléphone pendant les pauses et une TV le soir; d’autres sont là pour des vacances à vélo d’une ou deux semaines; les derniers, chargés d’encore plus de sacoches que nous, semblent pédaler vers des terres lointaines.

Puis l’orage nous rappelle à l’ordre et nous nous abritons en urgence dans le garage resté ouvert d’un appartement éteint situé juste au-dessus, au premier étage. La pièce est vide, seul un petit bateau à moteur de 4,5 m y est posé sur une remorque. Deux heures passent, il fait nuit et la pluie ne s’arrête pas. Nous décidons de jouer un peu avec la rigueur, les règles et les principes de propriété des autrichiens et posons nos matelas au sol… A 6h nous nous levons et filons sans problèmes en direction de Munich, en Allemagne. Ouf ! C’est peut être la peine de mort pour un tel délit (?)

Dans la capitale bavaroise, nous sommes hébergés par Helene, la femme de Christoph que nous avions rencontré dans un bar à Istanbul. Il est en déplacement professionnel et nous n’aurons pas l’occasion de le voir pendant nos deux jours de pause. La ville est superbe, la bière coule à flot, les surfeurs flirtent avec la vague permanente de la rivière Eisbach, les préparatifs pour l’Oktoberfest vont bon train et les automobilistes te klaxonnent si tu grilles un feu rouge à vélo ou à pieds. Pourquoi se sentent-ils violés lorsque, par bon sens, nous contournons un peu leurs règles ? Le bon sens et la flexibilité sont-ils réservés au pays du « tiers monde » ?

En attendant sa traditionnelle fête de la bière, nous pouvons compter sur les biergarten, jardin avec tables en plein air où l’on s’assied avec sa propre nourriture mais où l’on commande des boissons, en l’occurrence de la bièrede Bavière ! Les serveuses sont sélectionnées en fonction du nombre de chopes qu’elles sont capables de porter dans chaque main. Cinq verres d’un litre étant le minimum syndical. Nous nous retrouvons assis à table avec des jeunes membres d’une communauté rattachée à une des branches de l’église moderne.

Morgan : « Le gars assis en face de moi est un américain qui se déplace du Minnesota plusieurs fois par an pour venir promouvoir les valeurs de son mouvement religieux chez les jeunes européens. Je ne le sens pas ce gars, il ne m’inspire pas confiance. Son sourire, son regard et ses manières ne sonnent pas juste. J’ai essayé d’en savoir plus sur leur communauté mais je n’ai pas réussi à soutirer grand chose comme information. Il a dû sentir que je n’allais pas marcher dans ses pas. Mais ceci a fait resurgir cette question en moi : pourquoi l’Homme dépense-t-il autant d’énergie à vouloir créer des communautés avec une pensée et une croyance commune ? La vraie richesse n’est elle pas dans la diversité ? »

460 km en 2 jours

Notre hôte est déjà au travail, il est 8h45, et nous claquons la porte de chez Helene sans oublier de laisser le double des clés à l’intérieur, laissons Munich derrière nous et enchaînons une journée de 200 km pour arriver chez Fabian et Katherin, paisiblement installés dans un duplex près du lac de Constance. Fabian est l’ancien colocataire d’amis à nous, il nous suit sur internet depuis le début et nous a proposé de venir chez lui. Ce genre d’offre nous donne la force de rouler 200 km à 25 km/h de moyenne sous une pluie battante. Nous n’avons pas mangé du lion, juste reçu un message chaleureux.

Chez Julian et Katerine

Chez Fabian et Katherin

Nous passons deux soirées superbement agréables. Nous sentons des ondes positives dans cette maison et chez ce jeune couple. Ils respirent la gentillesse et ont un réel plaisir à partager. Nous buvons ensemble le rhum qu’ils ont ramené de Cuba et discutons tous les 5 jusque tard dans la nuit.

Combien de fois dans ce voyage avons-nous regretté de ne pas pouvoir enregistrer nos conversations avec nos hôtes ? Car si certaines choses se répètent, il y a toujours de nouveaux axes de pensées et de nouvelles réflexions qui nous aident à progresser personnellement.

Le dimanche matin, ils nous accompagnent tous les 2 avec leurs vélos de courses sur les premiers 25 km. Nous leurs disons au revoir et ils savent désormais qu’ils ont des nouveaux amis dans le sud de la France. Ces 36 h de repos nous ont donné la force d’enchaîner 260 km en une seule journée ! Bertrand, avec qui nous avons partagé les 6 premiers mois du voyage jusqu’en Antarctique ainsi que la descente du Yukon en radeau, habite à La Chaux-de-Fonds, 25 km au-dessus de Neuchâtel en Suisse. Il sait que nous sommes un peu « barjots » parfois mais jamais il ne se doutera que nous allons faire les 260 km en une journée. Nous savons qu’il arrive chez lui depuis la France avec le train de minuit et voulons lui faire le surprise en arrivant à la gare, pensant qu’il va faire un changement à Neuchâtel. Mais, avec tous nos efforts, nous arrivons seulement à 2h du matin, trop tard pour Bertrand, assez tôt pour nous coucher au bord du lac… Mais nous nous en fichons, un grand moment nous attend en compagnie de notre ami pour une semaine de repos.

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