Panama, Costa Rica et « Pura Vida »
Le 12 novembre 2011, non sans émotions, nous quittons Alain et son voilier « Dérobade »qui nous mena jusqu’aux côtes du Panama. (le film de la traversée ici)
A partir de là nous savons pertinemment que nous devons payer le prix fort des semaines passées à s’impregner de la culture brésilienne ou à s’émerveiller des paysages exceptionnels du Venezuela. Mais quoi de plus motivant que de savoir que nos familles et amis nous retrouvent à Tamarindo au Costa Rica, 1200km au Nord dans… 5 jours seulement… Nous sommes surmotivés et aucun de nous ne doute une seule seconde. Nous y arriverons en temps et en heures, réduirons nos heures de sommeil et saisirons toutes les occasions pour avancer un peu plus loin…
Le Panama
Partis sous une pluie terrible nous empruntons l’autoroute. Après 80km en moins de 4h nous nous faisons arrêter par la police… « Il est interdit de rouler sur l’autoroute en vélo » nous expliquent-ils… Apres quelques palabres nous voilà embarqués dans leur pick-up et déposés à la prochaine sortie, 40km plus loin. Nous les remercions pour le « coup de pouce » et filons en direction de Panama City. Morgan : « Ce jour là nous passons au dessus du célèbre canal de Panama. Je n’ai pas pu m’empecher de m’arrêter au milieu du pont pour me remémorer notre passage en famille en 1989… nous passions d’écluse en écluse à bord de notre modeste voilier , suivis de près par un énorme cargo. A cette époque je ne réalisais pas la chance que j’avais, je rentrais dans l’Océan Pacifique comme on change de chemise. Tout me paraissait normal. Aujourd’hui, plus que jamais, je prends conscience de la grandeur du monde et de la richesse d’un tel voyage ». Cet instant magique sera écourté par les autorités, encore eux, qui nous demandent de circuler « Il est interdit de s’arrêter sur ce pont. Circulez«
L’Histoire du Panama et de son canal est très interessante. La situation hautement stratégique pour le commerce mondial a provoqué de tels enjeux que l’Homme a été capable de coups de génie mais aussi des pires horreurs… En savoir plus ici
A noter que le Panama appartenait à la Colombie. Mais les autorites du monde occidental trouvaient très risqué le fait de construire un canal aussi stratégique dans un pays aussi grand que la Colombie… Par conséquent un groupe d’indépendantistes discrètement soutenus par les États-Unis déclara l’indépendance du Panama le 3 novembre 1903.
Depuis 2000 le Canal a été rendu aux Panaméens, il n’est plus sous l’autorité des USA. Le tarif pour passer en voilier est passé de 60 dollars a 600 dolllars…
Solidarité, générosité, hospitalité : l’ultime exemple avant le prochain
Le 17 novembre, il est 2h du matin et nous sommes à 200km de Tamarindo. Nos parents et amis attérissent dans quelques heures… Nous ne pouvons pas dormir… Nous nous sommes engagés à arriver à 10h du matin. Il nous reste 8h, impossible de le faire en vélo. Nous attendons plusieurs heures assis devant une station service. Siphay et Brian s’impovisent une partie de marelle au milieu de la route tandis que Morgan bouquine à la lumiere d’un lampadaire.
Extrait du journal de bord de Morgan : « Il est tard, environ 2 heures du matin. Je me marre bien à regarder les copains jouer à la marelle lorsqu’un camion vient se garer a 20m de nous. C’est un semi-remorque fermé. Peu d’espoir de pouvoir y mettre nos vélos… Je vais quand même voir le chauffeur et lui explique notre cas. Il m’explique que sa remorque est sous scellé, impossible à priori de l’ouvrir… Siphay et Brian me rejoignent et nous cherchons une solution pour caler nos vélos entre la remorque et la cabine. La fatigue et l’excitation nous poussent à faire n’importe quoi… mettre les vélos là est bien trop risqué… heureusememt nous reprenons nos esprit, arrêtons notre partie de Tetris et remercions Jonathan d’avoir essayé de nous aider. Mais lui n’est pas décidé à nous laisser tomber. Il sort des outils de sa cabine, demonte la serrure a l’arrière de la remorque et nous invite à ranger nos vélos entre la marchandise… Nous sommes « sur le cul ». Comment peut il prendre de tels risques pour aider 3 « gringos » à vélo ? Qu’est-ce qui le motive à faire cela ? Comment pouvons nous le remercier à sa juste valeur ? «
Nous avons roulé jusqu’a 4h du matin puis Jonathan s’est couché dans son camion tandis que nous sommes partis dormir 2 petites heures dehors. Puis vers 8h il nous à déposé a l’entrée de Tamarindo. Que dire de plus… si ce n’est que cette histoire reflète parfaitement la solidarité, la générosité et l’hospitalité que nous rencontrons dans tous les pays que nous traversons depuis plus d’un an…
Retrouvailles apres 15 mois de voyage
Avant que nos parents arrivent nous prenons possession de la maison que nos parents ont loué pour une vingtaine de jours. Nous rencontrons rapidement un francais qui nous invite le soir même au beaujolais nouveau dans un restaurant tenu par des francais. Ah, la communauté française en voyage ! On la voit presque partout, le francais est un grand touriste. Il est clairement temps de décompresser. Nous rencontrons Jean-Marc, un de ces hommes avec une vie pleine d’histoires que nous écoutons avec attention, qui vit ici depuis plusieurs années. Il accroche beaucoup au projet Solidream puis nous dit avec son franc parler : « Les gars, demain vous venez chez moi et vous prenez chacun une planche de surf, ne vous emmerdez pas à louer ». Générosité, encore et toujours…
Le lendemain la famille arrive en compagnie de Nathan, un ami proche de Siphay. Cela fait plusieurs mois que nous ne les avons pas vu, l’émotion est grande. Nous sommes conscients que nous avons de la chance de pouvoir voir nos familles dans un tel périple autour du monde, et nous comptons bien en profiter !
Siphay raconte l’arrivée : Ce séjour restera gravé dans ma mémoire à tout jamais. Déjà installé dans la demeure depuis une journée, nous étions tellement impatients de les voir que nous n’avions pas pu nous empêcher de leur passer un coup de fil peu de temps avant, afin de nous assurer de l’heure précise du débarquement. Les derniers instants paraissaient une éternité, nous étions tous les trois dans un léger état de stress ! Les voitures sont là, après un bref coup d’oeil pour m’assurer que personne ne manquait à l’appel, le temps s’arrêtai, je ne savais plus quoi faire. Je voyais à la fois Morgan et Brian avec ce même ressenti. Que dois-je faire ? Leur sauter dessus ? Faire semblant de ne pas les avoir vu ? Me cacher pour faire durer le suspense ?
Nathan est le premier à faire le pas et rentre dans la maison de pied ferme. Il me regarde avec le sourir aux lèvres, prend le temps de poser ce qu’il a dans les mains, ouvre très grand les bras et me demande comment ça va, d’une voie étouffée par l’émotion.
Les jours passaient et nous nous acomodions très facilement à dormir dans de vrais lits, manger à table avec des horaires fixes, alors que la veille de notre arrivée dans ce paradis, nous nous couchions aux alentours de 4h du matin sur le parking d’une station service, à même le sol, avant de prendre notre petit déjeuner sur le rebord d’un trottoir à coté des pompes à essence.
Une chose dont je n’ai pas le souvenir, c’est d’être aussi ému dans ma vie, j’en ai encore les larmes aux yeux en me remémorant cette instant hors du temps. Nous parlions de cette pause depuis très longtemps. Pendant les durs moments de cette fournaise amazonienne, durant les centaines de côtes dans la jungle, je me fixais cette image paradisiaque des plages turquoises loin devant moi et j’essayais de palper, de sauter dans ce rêve costaricain tout en poussant mon vélo. »
Le Costa Rica, riche en « Gringo »
Nous voici donc touristes pour une vingtaine de jours, dans le pays le plus touristique d’Amerique centrale. Et pour cause, le pays regorge de plages plus belles les unes que les autres et de forêts tropicales foisonnant de faune et de flore : dans ce pays on peut trouver 6% de la biodiversité mondiale alors qu’il ne représente que 0.03% des surfaces émmergées du globe, ce qui fait qu’on dénombre beaucoup de parcs naturels. Parmi les touristes qui le visitent, 45% sont des « gringos », c’est-à-dire des américains. A la base, le mot désigne les blancs en général. Pour la petite histoire, il viendrait de la guerre Americano-mexicaine de 1846 ou les soldats, de vert vêtus, chantaient « Green Grow the Rushes, Oh! ». Bon a savoir, le Costa Rica fait partie de ces rares pays qui n’ont pas d’armée. Mais comme c’est pratiquement une province des Etats-Unis, il suffit d’un coup de fil pour avoir d’un coup l’appui de l’armée la plus puissante du monde.
Du coup, tout le monde s’adresse à nous en anglais ou presque, et on nous appelle aussi gringos. Nous passons deux semaines a surfer, visiter des parcs naturels, profiter de notre cocon familial pour quelques jours. Les gens du Costa Rica sont extrêmement aimables, ne ralent pas et sont toujours prêts à profiter du prochain moment que la vie peut leur offrir, d’ou le concept de « Pura vida ». C’est un peu l’equivalent du « Tant Mieux » de la langue francaise : il exprime la satisfaction, le contentement, peut être une manière de dire « merci » ou « de rien ». Bref, la « pura vida » nous va très bien, on se dit que c’est un pays dans lequel un de nous aurait pu craquer et rester pour de bon.
Tic tac, Tic tac, tenemos que ir
Toutes les bonnes choses ont une fin, et celle-ci est rude : les mamans lachent quelques larmes, nous aussi. Brian raconte ses premiers kilometres au départ de Tamarindo : « Tôt le matin nous avons dit au revoir a la famille, ma mère s’ecroule en sanglots cinq minutes avant de partir. Image indélébile de mon cerveau de son regard yeux dans les yeux, nous deux avec les larmes. Il n’y a pas tellement de quoi au final, nous nous reverrons sûrement à nouveau sur le trajet dans quelques mois, mais l’émotion est là quand meme. Nous partons dans un état d’esprit bizarre. Pour la première fois, je me demande si j’ai envie de continuer encore aussi longtemps ce voyage. Les larmes montent derrière mes lunettes de soleil, une boule persistante au fond de la gorge se dissoud difficilement au fil des kilomètres. J’ai beau regarder devant, le cocon familial parfois manque. Personne ne parle, à part pour dire qu’il n’est pas au mieux. Mais dans le silence, on se soutient quand meme. Après 80km de pensées profondes, nous arrivons à Liberia pour la nuit. Nous passons la soirée à regarder les gamins faire du skate et du vélo et nous partons dormir grâce a l’aide de la police qui nous offre un endroit tranquille. C’est reparti… »