Les Kirghizes du Tadjikistan profitent des mois d’été pour faire paître leur bétail dans la verdure d’altitude. Le long de la chaîne de la Wakhan, frontière naturelle avec l’Afghanistan, les bergers sont souvent des compagnons de route pour quelques instants.
Pendant la saison estivale les femmes kirghizes s’affairent au tissage des « taar » conçus à base de laine de mouton, de chèvre ou de chameau. Ici, Kurbambek nous explique que sa femme mettra deux mois pour réaliser ce tissage qui viendra compléter la décoration de leur yourte.
Le col de Kyzylrabot, à 4426m, offre une vue globale sur l’océan de montagnes dans lequel nous allons naviguer pour atteindre la réserve nationale de Zorkul. Dans cet avenir proche, deux défis sont à relever : grimper la montagne dont le sommet culminant à plus de 5000m se trouve sur la frontière afghane et convaincre les rangers tadjiks de nous laisser traverser le territoire de Zorkul sans permis… (Nous n’avons pas pu obtenir le permis à Murghab)
Parmi les différentes exploitations du yak, la tonte d’une demi-douzaine par jour (sur un troupeau de 150) assure à la famille un revenu substantiel. Le poil sera utilisé, entre autres, pour confectionner des cordes, des couvertures ou des vestes.
À une quinzaine de kilomètres de la frontière afghane, le long de la rivière Istyk, on trouve une communauté de bergers kirghizes. Depuis leur camp, on aperçoit le pic que nous avons choisi de grimper d’ici deux jours (le troisième sommet en partant de la gauche). Les vélos resteront ici pendant les deux à trois jours que devrait nécessiter l’expédition.
La nuit approchant, les femelles yaks et leurs petits sont attachés à des piquets plantés non loin des yourtes tandis que les mâles voguent en toute liberté jusqu’aux aurores.
Extrêmement motivés par l’ascension du pic anonyme culminant à 5416m d’altitude, nous cherchons la meilleure voie pour installer notre camp de base le plus haut possible. En remontant ce cours d’eau sur deux kilomètres, plutôt qu’en l’enjambant, nous serions en terres afghanes sans aucune barrière à franchir. Ici la nature n’est pas souillée par la soif de posséder, par la course au règne et l’obsession de limiter son espace de liberté dont l’Homme est parfois victime.
Pour l’ascension du pic à 5416m, nous mettons toutes les chances de notre côté en installant le camp de base à 4650m, ne laissant ainsi que peu de dénivelé à couvrir pour le jour J. Même à cette altitude, les montagnes tadjiks regorgent de végétation alpine colorée, constituant ainsi un vivier de nourriture pour nombre d’espèces animales.
Après avoir aperçu des troupeaux de mouflon « Marco Polo » sur les hauteurs pendant toute une journée de marche vers le camp de base, voici qu’elles viennent nous réveiller peu avant la nuit, à une centaine de mètres de la tente à peine ! Une aubaine étant donné la difficulté à rencontrer ces animaux au camouflage efficace.
Entreprendre l’ascension d’un tel géant dans une des régions les plus isolées d’Asie centrale ajoute un peu de piment dans un voyage déjà riche de rencontres et d’enseignements. Comme pour l’ascension vers le glacier Grum Grjimailo il y a trois semaines, nous montons avec très peu d’équipement et de simples tennis aux pieds. C’est le prix à payer lorsqu’on veut voyager léger et par conséquent la vitesse sera encore notre gage de sécurité contre le froid.
Sur l’arête, nous marchons sur la frontière avec l’Afghanistan sur la chaîne du Wakhan qui délimite le corridor du même nom. Cette zone à été tracée à la fin du XIXe siècle pour séparer les empires britannique et soviétique lors du « Great Game ». La mauvaise météo semble menacer l’ascension mais c’est un monde caché dans la brume des frontières qui se dévoile entre deux éclaircies.
Depuis la vallée nous avons repéré la voie qui semble la plus simple et la plus sûre. Rejoindre la crête par le flanc nord-est pour ensuite longer l’arête jusqu’au sommet. Évoluant à plus de 4000m d’altitude depuis plusieurs semaines, nous grimpons à environ 300 mètres par heure en espérant atteindre le sommet avant le mauvais temps qui approche.
Marcher sur une ligne interdite, c’est s’offrir le vertige tracé par les coups de crayon du cartographe. Cette fois-ci, elle sert une imagination pour une aventure collective engagée à plus de 5000m d’altitude. Près du sommet, le vide n’a pas de nationalité et le meilleur côté sera le moins risqué.
La neige et le vent ont rendu la fin de l’ascension difficile, cachant le sommet derrière un masque blanc et rendant la roche de plus en plus glissante. Sans se concerter, chacun sait que les autres sont encore en confiance et que rebrousser chemin n’est pas encore une option. Il est 8h20 lorsque le sommet nous invite à sa hauteur. Installés sur la face sud, du côté afghan, nous ne voyons qu’un épais voile blanc au dessus d’un pays tiraillé par la folie de quelques hommes.
Comme dirait Ed Viesturs, célèbre alpiniste américain, « seule la redescente est obligatoire ». Nous nous concertons pendant quelques précieuses minutes pour choisir la voie la plus sûre et la plus rapide. Nous suivrons l’arête sur environ 400m avant de descendre par la face exposée est et rejoindrons le camp de base en longeant le pied de la montagne jusqu’à la tente.
La famille Maxudov avec de gauche à droite Almaz, Adil, Saïtbek, Kazakbaï, Sajida, Kanukeï, Aïdaï et Nurzat nous accueille chaleureusement avant et après notre ascension. De juin à septembre ils vivent ici, à quatre jours de marche de Murghab où ils passent l’hiver, sans Saïtbek, le frère ainé, qui est à l’université de Jalalabad, au Kirghizistan.
Kazakhbaï tient à revêtir le chapeau kirghize pour son portrait. Pendant plusieurs jours, sa famille a offert son hospitalité et ce sont bien des amis que nous quittons. Il n’est pas forcément nécessaire d’être redevable aux amis mais, blessé au genou, nous tenons à lui offrir le trajet jusqu’à Murghab, une grande ville où il pourra se faire soigner. Il l’assure : les prochains français seront bienvenus chez lui !
Dans la réserve naturelle de Zorkul, le long de la frontière afghane, un baraquement militaire délabré fait office de base. Des gradés viennent à notre rencontre pour vérifier notre permis spécial pour la zone, que nous n’avons pas (pour cause d’absence du personnel au bureau de délivrance dudit permis). Après de longues négociations, nous évitons de payer la « rançon » mais repartons sans nos passerports, confisqués par ces messieurs…
C’est en véritables « sans papiers » que nous traversons la région sauvage de Zorkul. Le soir, dans la tente, les pronostics vont bon train sur le sort qui nous est réservé mais chacun se réjouit finalement de notre situation. En effet, il est désormais impossible que les autorités nous demandent de faire demi tour et quoiqu’il arrive ils ne pourront pas garder nos passeports éternellement. Ce n’est plus qu’une histoire de patience.
Nous continuons notre route le long de la frontière afghane, mais le long du fleuve Panj cette fois, dans la vallée de Wakhan. En fin de journée, Siphay assiste à une scène singulière : un homme côté afghan, via un système de cordes et de lancer, fait passer un paquet à un autre homme côté tadjik. Le trafic de drogue venant d’Afghanistan est une manne financière importante, nombre de Pamiris trempent dans cette économie.
Après un épisode malencontreux avec les militaires tadjiks quelques jours plus tôt (nous avons finalement récupéré nos passeports), la police rattrape le coup pour les hommes en uniforme : lors d’un passage à un barrage routinier, un policier plein d’envie d’aider insiste pour faire ouvrir le café à proximité. Coup de téléphone, le propriétaire des lieux arrive illico. Toute la scène semblait finalement un bon prétexte pour partager le café avec les touristes de passage. L’homme trouve même le moyen de dégoter un médicament pour Brian mal en point.
L’aventure est un outil formidable pour tisser des liens entre les Hommes. Autour d’un thé nous expliquons à Azizullah Zeerak, un retraité americano-afghan, ce qu’est Solidream, notre projet de film dans le Pamir et l’onde positive que nous tentons de propager sous différentes formes. Il est rapidement séduit par notre tentative de faire découvrir les joyaux du Pamir au public français et accepte d’y participer. Ainsi Azizullah nous offre une interviewe riche d’enseignement sur la situation complexe de son pays d’enfance.
Khorog est un peu la capitale non officielle du « Pamiristan ». Avec ses 30 000 habitants et caractérisée par ses immenses peupliers, elle concentre toute la culture pamiri. À 2 200m d’altitude, elle est la porte d’entrée vers les vallées menant aux hauteurs du plateau du « toit du monde ».
Le bazar de Khorog : au milieu des étalages de fruits frais, de matériel électronique chinois et de vêtements peu variés, la brouette d’un homme pressé heurte vos mollets, vous sommant de presser le pas. Des femmes affairées à ravitailler leur foyer viennent aux nouvelles de leurs comsœurs tout aussi occupées à vendre abricots et autres pommes de saison.
Après avoir testé les « fat bike » pendant deux mois dans des conditions déjà rudes sur le plateau pamiri, nous nous lançons à l’assaut d’un itinéraire repéré comme un sentier de randonnée sur les cartes. Dans ces conditions il est aisé de trouver la limite des possibilités de nos montures de bambou et de leurs gros pneus !
Cette année au Pamir la saison estivale a vu des précipitations particulièrement abondantes rogner le lit de nombreux cours d’eau. Dans ce climat très sec, les rivières sont des artères tout aussi précieuses pour les habitants que pour le voyageur qui s’en abreuve.
À Khorog, le parc central de la ville ajoute une fraîcheur dans une saison d’été bien chaude malgré l’altitude relativement élevée de la ville (2 200m). Héritage des soviétiques, la lutte est un sport en vogue qui est prétexte à une animation estivale à succès.
Franchir la rivière Ghund pour rejoindre ensuite le lac Yashilkul s’avère périlleux. Pendant de longues minutes nous cherchons la voie la plus sûre pour acheminer notre matériel d’un bord à l’autre via plusieurs aller-retours. Le courant est puissant et la roche glissante, d’où le choix de transporter les vélos deux par deux. Si l’un glisse, l’autre devrait pouvoir sauver le vélo…
La rivière Ghund est désormais derrière nous, classée dans les beaux souvenirs d’une épreuve surmontée ensemble. Mais le repos n’est pas encore mérité avec deux nouveaux cols à franchir. Comme la veille, debout depuis six heures du matin, nous abattons tout juste 25 kilomètres avant le couché du soleil.
Les femmes sont des artisanes aguéries dans certaines vallées du Pamir. Dans leurs ateliers se perdure un savoir-faire ancestral de tissage de laines cachemiri, angora et cachegora. De telles initiatives identitaires de la région restent encore trop rares mais sont encouragées notamment par la fondation Aga Khan.
Évoluer sur un sentier de trekkeurs avertis avec un vélo chargé est tout à fait grisant. Si dans les montées les plus escarpées nous devons admettre, le vélo sur l’épaule, que notre idée paraît absurde, les descentes sont, quant à elles, des récompenses justifiants tous les efforts passés.
Près du village de Bulunkul, à plus de 3700m d’altitude, de petits lacs agrandissent l’horizon qui semble déjà infini. Au petit matin, l’atmosphère est dénuée de vent, la pureté de l’air sec et le constraste des hautes montagnes se reflètent dans le miroir naturel.
Entre le village désolé de Bulunkul et la montagne inspirante qu’est le Kyzyldong nous empruntons la « Pamir highway ». De rares bâtiments occupent cet axe principal qui relie les deux plus grandes villes de la région, Khorog et Murghab. Les hommes y attendent de voir surgir un véhicule en panne pour proposer leurs services tandis que les femmes scrutent le voyageur en quête d’un repas copieux.
Comme dernière ascension du périple, nous partons à l’assaut du Kyzyldong, à 5 704m d’altitude. Le « fat bike » se combine bien avec les autres activités de montagne : nous effectuons l’approche vers le camp de base à vélo et continuerons à pieds l’ascension jusqu’au sommet.
Les bivouacs de haute altitude laissent souvent place à la magie des étoiles : la pureté de l’air et l’absence de lumières artificielles assurent un spectacle prompt à susciter les plus grands rêves. Au camp de base, à 4 730m d’altitude, le songe est d’atteindre la dernière hauteur.
Suite à de longues discussions le choix a été d’explorer les montagnes du Pamir avec le minimum de matériel. Par conséquent, nous choisissons toujours des montagnes accessibles sans crampons ni piolets mais offrant tout de même un défi de taille. Cette option, ajoutée à une bonne acclimatation, permet d’évoluer à plus de 5000m d’altitude avec une légèreté déroutante.
Si nous avons choisi le Kyzyldong (5 704m) comme dernier sommet à grimper, c’est qu’il nous a été décrit comme accessible par des alpinistes locaux et faisable sans matériel spécifique. Cependant, quelques sections de l’ascension s’apparentent plus à de l’escalade !
À l’approche du sommet, le Kyzyldong se couvre d’un nuage lenticulaire alors que le pierrier de l’arête dicte le chemin à suivre. Savourer être sur la ligne, ensemble, si près du but, après 2 500 km à travers le Pamir, c’est quasiment savourer le sommet avant l’heure.
Dans une société où l’on tend à déresponsabiliser l’individu, à dénoncer « l’autre » comme la cause de nos maux, à souscrire des assurances pour nos téléviseurs, à amputer notre liberté pour garantir plus de sécurité, l’aventure peut-être vue comme une modeste clé permettant de délier nos chaînes. Ce ne sont pas les risques encourus sur les hautes cimes qui vous délient mais seulement l’esprit que vous donnez à votre entreprise : assumer les conséquences de chacun de vos pas qui vous guident vers l’objectif que vous vous êtes fixés.
À 5 704m d’altitude, c’est le sommet d’un état d’esprit qui se concrétise sur la plus haute cime du Kyzyldong. Avec une vue à 360°, de nombreuses vallées déjà parcourues se dévoilent à nouveau. Plus loin encore, c’est depuis le Wakhan afghan que les cimes majestueuses nous saluent. Nous restons au sommet une heure durant pour profiter du spectacle exceptionnel offert par les Pamirs.
Pour assurer des prises plus sûres, si le froid n’est pas trop rude, les gants restent au fond du sac. La montagne laisse une emprunte physique sur celui qui l’a grimpé, mais celle-ci est tellement éphémère comparé aux souvenirs éternels qu’elle grave dans le cœur de celui qui a connu l’euphorie de son sommet.
Le jour-même de l’ascension, exténués après la redescente, une famille pamiri insiste pour partager du yaourt et du beurre frais traits le jour-même. Cette ultime rencontre symbolise un séjour au Pamir caractérisé par la ferveur de l’accueil au milieu des grands espaces, à plus de 4 000 mètres.
Fabriquer des « fat bikes » en bambou grâce au savoir-faire d’In’Bô, rencontrer les populations ismaéliennes du Pamir, partager des instants de vie avec les nomades kirghizes, découvrir l’artisanat tadjik, grimper des sommets engagés avec ses amis d’enfance sont les ingrédients d’une aventure humaine qui s’étend au-delà des frontières du Tadjikistan. Le prochain défi à relever ensemble consiste à partager cette expérience via un film de 52 minutes que nous voulons inspirant, optimiste, esthétique et un peu déjanté quand même. Une grand merci à vous tous, Solidream continue d’exister grâce à vous !
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