SolidInitiation à l’Alpinisme : Mont Tom (4163m)
Nous sommes rentrés ce matin de notre ascension du Mont Tom (4163m) qui nous a pris 48h d’expédition, dont 26h d’efforts. Malgré nos préparatifs, bien avisés par les locaux, ce fut une expédition très difficile. Voici les faits détaillés et les impressions de chacun sur ce qui fut un exploit pour nous.
Les impressions à chaud
Siphay : “Après toutes les informations récupérées, je n’imaginais pas cette ascension aussi difficile !”
Brian : “Rien à voir avec ce que j’attendais.”
Etienne : ”Ce fût malgré tout une expérience mémorable.”
Morgan : “La montée était difficile mais la descente… n’en parlons pas ! »
Samedi 4 mars : départ de Bishop, début de l’ascension et installation du camp de base.
– 9h : départ à vélo de Bishop (1264m) direction le pied de la crête où nous souhaitons démarrer.
– 13h30 : Après avoir traversé une rivière pour cacher nos vélos et rejoindre la bonne rive nous démarrons l’ascension le long de la crête très abrupte dès le départ. Le terrain est risqué car gravillonneux puis enneigé. Aucun chemin de randonnée n’est tracé : nous sommes à même le flanc de la montagne, entre broussailles et blocs de roche difficile à contourner ou dangereux à grimper.
– 18h : Nous installons le camp de base (environ 2500m) sur une portion de plat (tout relatif…) que nous cherchions désespérément depuis une bonne heure. Etienne raconte : “Mont Tom, 4163 m d’altitude, l’hiver, sans guide… Ces quelques mots résonnent dans ma tête avant d’effectuer cette ascension. « On s’attaque quasi au mont blanc les amis !! » Nous y voilà : après plus de 5 h de marche lourdement équipés pour établir notre camp de base à environ 2500 m d’altitude, je ressens déjà les efforts au niveau de mes cuisses et déjà les douleurs aux pieds apparaissent à cause de ces chaussures de randonnées inconfortables. “
– 19h30 : Morgan cuit une grosse plâtrée de riz à la neige fondue. Nous nous endormons peu après à 4 dans une tente de 3, les uns sur les autres.
Dimanche 5 mars : atteinte du sommet
– 3h30 : réveil, préparation d’un petit déjeuner chaud (toujours à la neige fondue). Nous laissons la tente et embarquons le minimum pour la suite de la montée. Etienne se souvient : “Première épreuve : enfiler mes chaussures humides et gelées de la veille. Ensuite, il ne me faudra pas longtemps pour apprendre à chausser des raquettes pour arpenter les premières parties de la montagne. Je ne sais pour quelle raison, mais des nausées, un mal de tête me gagne… est-ce le manque de sommeil, la nourriture ? ou le mal des montagnes ? Bref rien qui pour l’instant ne me fera arrêter.”
– 4h30 : départ de nuit vers nos repérages de la veille. La montée est abrupte, nous transpirons et ne sentons déjà plus le froid. Morgan explique : “Quelle excitation que de grimper dans le noir à la frontale. Notre motivation est à son maximum mais nous n’avons pas idée des difficultés qui nous attendent”
– 6h00: nous chaussons nos raquettes au milieu des sapins, nous évoluons maintenant sur un manteau neigeux variant de 10cm à 1m d’épaisseur. Siphay : ”Le jour se lève et les heures passent sans que je ne m’en aperçoive car je reste concentré sur la marche.”
– 7h30 : nous avons rejoint la crête, avec la vue sur les deux vallées opposées. La neige s’y fait plus rare, évoluer sur ses rochers semble plus rapide que marcher dans la neige.
– 10h : la crête est de moins en moins praticable. La roche devient friable et certains passages risqués. Tout le monde doute en silence sur la faisabilité de cette ascension dans le temps imparti. Siphay se rappelle : “J’espère que ce sommet est le bon. Car avec l’adrénaline de l’arrivée au point culminant je ne ressens aucune fatigue. Mais je sais pertinemment que notre retour sera tellement plus physique et donc plus risqué à cause de la fatigue. Mais celui-ci n’est pas le sommet, on dirait même que le prochain non plus ! Plus j’avance, moins il reste de temps pour redescendre et plus ce sera long… Mais plus j’avance et plus j’ai envie d’atteindre ce pic qui devient encore plus désirable de part la prouesse qu’il implique et la vue qu’il offre à 360° au sommet.”
– 11h30 : Etienne abandonne à environ 3700m d’altitude. Nous le rejoindrons au camp de base dans la redescente. Etienne : “Alors que nous marchons depuis presque 10h, ce mal qui me ronge depuis l’aube ne cesse toujours pas, et les nausées m’empêchent même de manger (2 barres de céréales et tout juste 1 litre d’eau ingurgités). J’ai de plus en plus de mal à suivre mes compères. Après avoir enchainé des montées extrêmement raides sur des roches, de la neige, des cailloux (très instables), et vu l’heure qui défile, je ne peux qu’annoncer à mes amis que je ne peux plus continuer. Si je ne veux pas compromettre pour eux l’arrivée au sommet, il faut qu’ils arrêtent de m’attendre. Je décide donc, si prêt du but, de redescendre au campement.”
Siphay et Morgan continuent en éclaireurs tandis que Brian hésite, craignant pour le temps que prendra le retour.
Arrivés au pic suivant Siphay demande : ”Qu’est-ce que tu veux faire car j’ai l’impression que l’on fait une connerie ? ”
Morgan lui répond : “Je veux aller jusqu’au sommet”.
Siphay : « J’y vais aussi ! «
Brian entend Morgan et Siphay lui crier “On va au sommet” et décide de les suivre au plus grand bonheur de ses frères d’aventure.
– 12h : sommet en vue. Nous sommes déjà dans le rouge pour le timing de la redescente. Si près, nous n’abandonnerons pas. Les conditions météo sont clémentes, mais nous nous transformons en grimpeur de temps en temps pour aller au-delà de certains passages escarpés. Sans sécurité, l’épreuve est risquée, mais nous avons confiance en nous et continuons.
– 12h30 : nous insérons une carte Solidream dans le registre des grimpeurs en haut du Mont Tom. Nous prenons 10min pour exalter et relâchons un peu la pression. Nous sommes très satisfaits de notre progression mais avons la descente en tête qui sera longue et périlleuse. Morgan se souvient : “A ce moment là je ne sentais toujours pas la moindre fatigue. L’excitation et l’adrénaline provoqués par ce challenge ont anesthésié le messager “fatigue”. En revanche la descente ne se présente pas aussi bien…”
Descente épique
– 13h30 : nous trouvons des traces qu’Etienne a laissées pour nous indiquer qu’il est toujours là, plus bas. Les jambes commencent à se faire lourdes. Nous nous inquiétons de savoir Etienne seul dans cette grande redescente vers notre camp de base. De notre côté, nous jouons aux cascadeurs entre rochers glissants et cassures inclinées de roche friable. Un peu plus tard nous entendons Etienne en contrebas, notre inquiétude est apaisée. Il avance environ à une demi-heure devant nous. Etienne raconte sa descente : “Un long calvaire s’en est suivi. En effet, outre les vomissements, et les maux de tête, j’ai emprunté la mauvaise voie pour rallier la tente (200 ou 300 mètres d’altitude à remonter sur ces pentes abruptes). La déception est immense et j’aurais toujours ce petit regret d’avoir lâché prise si près du but…”
– 17h : la nuit arrive bientôt, cela fait plus de 12h que nous sommes partis et marchons presque non-stop. Nous souffrons des jambes et des pieds et la fatigue est à son comble. Certains ont les pieds trempés. Il nous faut rester concentrés dans cet environnement traître : une seule glissade peut être synonyme de grave blessure. Morgan : “Certes nous commençons à avoir l’habitude d’enchaîner des heures et des heures d’effort mais là je note une grande différence avec les moments durs de l’Amazonie par exemple. Nous devons rester concentrés, c’est une question de survie, et ceci devient très pénible avec la fatigue…”
– 18h : il fait nuit et nous appelons Etienne pour qu’il nous indique la direction de la tente que nous avons du mal à repérer. Il est arrivé et nous nous apercevons que nous sommes descendus légèrement trop bas. Comble après une telle journée, nous remontons à la tente où Etienne nous attend, bien mal en point dans son duvet. Nous cuisinons un dernier plat de riz et nous tombons comme des masses, rêvons de rochers qui s’effritent…
Lundi 6 mars : réveil douloureux, retour en ville
– 4h : réveil, les jambes meurtries après de tels efforts et quelques chutes. Nous devons arriver avant 9h pour rendre le matériel de location pour ne pas payer un jour de plus… nous enfilons nos chaussure congelées par dessus nos cloques et reprenons le chemin de la descente vers Rovana.
– 7h : nous sommes face à un passage extrêmement risqué. Sages, nous remontons un peu plus haut pour emprunter un passage plus sereinement.
– 8h : Nous récupérons nos vélos et retraversons la rivière. Deux heures après nous sommes de retour en ville, rentrons chez notre hôte fatigués mais avec le sentiment d’avoir accompli quelque chose d’assez grand.
Le mot de la fin
Brian écrit : “Depuis longtemps j’avais le désir de grimper un sommet. Mais je ne suis pas habitué à ce type d’efforts, malgré les bornes à vélo. Nous n’étions pas au courant d’un terrain aussi accidenté… Mais le long de la crête, un sentiment de grandeur et de fierté m’a envahi. Au sommet, j’avais le sentiment d’être puissant, d’avoir dompté la montagne. Mais en même temps je me suis senti tout petit dans la grandeur de la vue qu’elle nous offrait. Puis, dans la redescente, la peur du combat. Celui de la montagne qui souhaitait se venger lorsque je glissais sur des rochers instables à 45° sans sécurité, celui contre moi-même pour aller chercher les forces et la concentration, et le doute de ne pas retrouver Etienne à la tente.
Belle parenthèse que cette ascension qui me fera voir l’alpinisme d’un autre oeil. La journée de dimanche, c’est peut-être le plus gros défi sportif en une journée que j’aie relevé à ce jour. Je ne referais pas les erreurs qui nous on coûté du temps et des ampoules aux pieds.”