Chute, fracture, brulures… Il rentre en France !
Une aventure telle que la nôtre ne peut pas toujours se dérouler comme prévu, les difficultés et les mauvaises surprises font aussi parties du jeu et nous n’en avons jamais douté… Après plus de 4 mois avec l’équipe, Etienne paye le prix fort et se voit obliger de rentrer en France pour se faire opérer d’une clavicule cassée et se rétablir de quelques brûlures. Explications :
Quelques secondes au ralenti
Siphay se souvient du 11 juin dernier : « Nous sommes heureux, une belle journée ensoleillée alors que les prévisions météo annonçaient le mauvais temps. Un relief légèrement prononcé pour ne pas trop nous faciliter le quotidien et ne pas nous laisser dans l’ennui. Nous n’arrêtons pas de rigoler et de nous charrier les uns les autres, l’ambiance est au top, les jours sont très longs sur cette partie du globe à l’approche du solstice d’été. Il nous reste donc plus de 6h de soleil pour atteindre la prochaine ville où nous pourrons nous réapprovisionner en nourriture pour ainsi parcourir les 700 prochains kilomètres pour rejoindre Whitehorse.
Nous sommes parfaitement dans les temps, tout le monde est en parfaite forme, nous roulons fort autant pour les ascensions que durant les descentes. Etienne nous dit tout haut ce que nous pensons tous après une courte pause déjeuner : » …c’est une belle journée… »Quelques bornes suivent et le dénivelé s’accentue, au loin en contrebas, une voiture sort du virage avec une légère traînée de poussière qui n’a rien d’inquiétant car elle disparaît aussitôt. Nous commençons à avoir pas mal de vitesse (je dirais plus de 60km/h) et sommes à peu près alignés pour profiter de l’aspiration. L’ordre du rang se mélange, je me laisse dépasser par Brian, puis Etienne… Aucune visibilité sur la suite de la courbe, donc nous ne nous tirons pas la bourre et essayons de garder nos places respectives avec Morgan qui ferme la marche.Soudain je m’aperçois que le sol se transforme en un mélange de graviers et de terre juste avant la courbe. Il est déjà trop tard pour un gros freinage et le virage se montre bien serré. Brian et Etienne sont à la même allure, à quelques mètres devant, tandis que Morgan est derrière. Je n’ai aucune idée de sa position exacte, il m’est impossible de me retourner à cette vitesse. Avec un vélo aussi chargé, pas beaucoup de solutions s’offrent lorsque l’on va aussi vite sur de la piste.Déjà bien engagé, je ne peux plus glisser en bloquant la roue arrière car je n’ai pas assez de distance pour m’arrêter, mon vélo se planterait dans le muret qui borde la route et je finirai dans le fossé ou le précipice… Tout va très vite à cet instant, je fais simplement confiance à mes réflexes et j’ai l’impression que je vais gérer, en pensant à Morgan derrière… N’ayant pas prévu de rouler sur des graviers, je pédale en sandales et m’abstiens de poser mon pied au sol alors que je pourrais mieux maîtriser ma trajectoire ainsi. Je ne peux pas me pencher plus car je sens déjà la limite des pneus sur les pierres, plus possible de me concentrer sur les autres, je ne sais pas dire où se trouve Brian ! Je suis Etienne de quelques mètres, il arrive mieux à ralentir que moi, et entame mieux sa courbe, il tente de se mettre en travers pour revenir à l’intérieur du tournant, c’est chaud pour lui. J’ai tout juste le temps de voir chasser son arrière avant de me demander si je dois sauter de mon vélo mais ne veut pas abîmer le matériel électronique et ma monture d’acier… mais je reste quand même prêt à me jeter ! C’est presque la fin du virage, je m’approche de plus en plus du vide, mon allure commence à réduire, je bloque ma roue arrière sur plus de dix mètres. J’ai l’impression que ça ne va pas s’arrêter, je suis paré à descendre plus bas car je ne contrôle toujours pas… Puis, comme par magie, les ultimes petites buttes de terre me stoppent à 40 cm du ravin !Etienne est le seul au sol. Il est à priori pas mal râpé mais je le vois bouger ses deux bras sur son corps pour s’assurer qu’il n’a rien de grave. Rassuré, je m’empresse de sortir de la bétadine pour qu’on puisse soigner ses blessures. »
A ce moment là nous ne savons pas encore quelles seront les conséquences d’une telle chute, nous sommes tous dans un état second après être passés très près de la correctionnelle…
Morgan raconte : « La scène s’est passée au ralenti pour moi. J’étais dernier et j’ai rapidement compris que nous arrivions trop vite lorsque j’ai vu Brian en tête en train de poser un pied par terre à environ 50km/h… sa roue arrière commençait à déraper, le muret en face le menaçait, le précipice un peu plus loin l’attendait et les copains aussi commençaient à glisser dans tous les sens. Je fermais la marche, donc j’ai pu mieux anticiper et prendre le virage à la corde. Ainsi ma trajectoire m’a permis de garder le contrôle de mon vélo et de m’arrêter après quelques petites glissades. Il me semblait que Brian contrôlait bien son freinage tandis que Siphay avait du mal à ralentir et qu’Etienne commençait à m’inquiéter puis je l’ai vu tenter de tourner et sa roue avant a rapidement décroché… il tombe sur son épaule droite, glisse puis fait plusieurs tours sur lui-même en essayant de se protéger avec les mains. Il finit allongé sur le dos et se redresse rapidement en position assise les jambes tendues. Je lui demande « comment vas-tu ? » il se touche le corps un peu partout et me répond « Mal. J’ai mal au dos ».Je me précipite sur lui, très inquiet pour son dos. Je me positionne derrière lui pour lui soulager la tête et le dos puis lui demande de ne pas bouger. Je lui pose quelques questions en passant ma main sur ses épaules et vois tout de suite que sa clavicule est cassée. Je décide de ne pas lui dire tout de suite et continue de voir s’il n’a pas d’autres fractures, blessures… En même temps je regarde Siphay avec la trousse à pharmacie dans la main en train de dire à un automobiliste « Non merci, vous pouvez continuer, ce n’est pas grave » et je crie « Ne partez pas, il faut l’emmener avec vous ! ». Sous le choc nos comportements ne sont pas normaux et j’ai eu l’impression que les copains ne réalisaient pas tout de suite l’ampleur du problème… »Etienne explique : « C’est une belle journée effectivement. Alors que je descendais paisiblement mais à vive allure derrière Brian, pris par l’aspiration j’ai eu envie de le dépasser pour profiter de l’élan dans une future montée. C’est à ce moment là qu’en rentrant dans le virage j’ai aperçu le changement de revêtement de la route… Tout a été très vite, et en l’espace de quelques secondes je savais que l’issue serait dramatique. Tant bien que mal j’ai essayé de contrôler le vélo mais rien n’y a fait, alors que la roue avant perdait l’adhérence, je me suis retrouvé au sol. A ce moment là, une seule idée me passait par l’esprit : éviter au maximum de me brûler. Après quelques roulades (je ne saurais dire combien) je me suis retrouvé complètement perdu, dos à la pente et voyant Morgan accourir vers moi.
Première vision d’horreur : ma main gauche ensanglantée, la peau pendante et de multiples cailloux à l’intérieur de la chair. Une douleur au dos me lançait mais il me semblait qu’après avoir retrouvé mes esprits je pourrais reprendre le vélo. Après quelques seconde (peut-être 1 minute) j’étais toujours vraiment sonné. Quelque chose de grave était arrivé, pensais-je.Et à mon tour, lorsque j’ai entendu Siphay dire à la voiture de partir, mon sang s’est glacé. Il fallait à tout prix que je monte dans cette voiture ! A ce moment là je savais moi aussi que j’avais la clavicule cassée (sentant l’os sortir sous la peau). Alors que j’étais sur le point de rejoindre la voiture, j’ai senti que j’allais tomber dans les pommes. Bingo ! Quelques secondes plus tard, je me retrouvais sur le sol sans comprendre ce qui m’était arrivé. Au fond de moi, je savais que l’aventure Solidream était terminée mais, pris par la douleur, je ne voulais pas y penser. Les cinquante kilomètres qui me séparaient de la clinique furent pour moi une épreuve tant les secousses aggravaient la douleur. »
Déjà envisager la suite
Brian partage son sentiment :« Je ne voulais pas voir partir Etienne. Dans la voiture juste après l’accident, nous imaginions déjà envoyer Etienne plus au nord pour nous attendre et reprendre le chemin avec nous sur un tandem à l’arrière par exemple. Cela aurait été beau de le garder avec nous, même handicapé. Nous imaginions toutes sortes de stratagèmes pour qu’il puisse rester avec nous, d’une manière ou d’une autre. Mais nous sommes rapidement redescendus sur terre : impossible d’avancer les frais, personne pour s’occuper de lui comme il faut et beaucoup de risques pour lui de continuer. Etienne part, je suis profondément triste de continuer sans lui, comme tout le monde je crois. Mais déjà nous le motivons pour la suite : nous espérons tous qu’il pourra revenir plus tard, une fois rétabli, pour une autre étape. »