Je suis un aventurier. Mon boulot est génial. Voici mon quotidien…
(Article initialement paru sur le site d’Alastair Humphreys ici, traduit de l’anglais de manière « artisanale » par l’équipe Solidream 🙂 )
Je suis un aventurier. En fait, mettons un A majuscule : « Aventurier. »
Ça doit être vrai, puisque c’est marqué sur ma carte. C’est plutôt cool.
Parfois, quand je rencontre de nouvelles personnes, je me décris comme un Aventurier. En général, c’est quand je fais les choses suivantes…
- Impressionner une fille
- Gratter un truc gratuitement
- Me sortir d’une galère
En réalité, ce sont les seuls moments où je me décris de la sorte. Les autres fois, ça me fait un peu honte. Pourquoi ça me fait honte ?
- Je suis plutôt timide et je n’aime pas trop le déluge de questions qui suit lorsque je me présente comme un Aventurier (avec un grand « A »).
- Ça me prend un peu la tête de parler de mes voyages (à moins que quelqu’un ne me paye pour le faire – un peu plus là-dessus après)
- J’ai l’impression d’être un escroc.
Pourquoi j’ai l’impression d’être un escroc ? Parce que les Aventuriers (avec un grand A) font des trucs comme ça :
Mais s’il est vrai que toutes ces choses sont supposées faire partie de mon job, je ne passe pas vraiment mon temps suspendu à une falaise, le visage couvert de boue et le couteau entre les dents.
La plupart du temps, ma vie est plutôt répétitive et ennuyante. En fait, c’est exactement le genre de vie que j’ai fui héroïquement quand j’ai refusé d’avoir un « emploi » conventionnel. (Vous pourriez apprécier le billet de Tom Allen à ce sujet.)
C’est stupide de croire qu’il existe un métier 100% kiff. Chaque job contient des parties ennuyantes. (A propos, un article intéressant sur le mythe « Faites ce que vous aimez » ici.)
Mais j’ai envie de partager avec vous ce que j’ai fait cette semaine. J’espère que ça vous rappellera quelques trucs, parmi lesquels :
- A chaque fois que vous voyez une « aventure » en photo ou en ligne, dites-vous bien que ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Cette personne a probablement passé énormément d’heures devant un écran abrutissant ou dans les transports pour planifier cette aventure, la publier sur Internet, et vous rendre jaloux.
- Cela demande une quantité incommensurable de travail de bureau de faire de l’aventure une carrière (même si c’est parfois remplacé par la chance, le génie, l’argent ou la beauté).
- La prochaine fois que vous verrez un Aventurier en conférence sur une scène reconnue avec de gros spots pour l’éclairer, des photos épiques et un tonnerre d’applaudissement, souvenez-vous que lorsque vous serez rentré à la maison au chaud sous la couette, il sera probablement en train de rouler catatoniquement vers sa prochaine conférence, nourri à la bouffe sans goût de station service, avec des cartons de livres qu’il espère bien refourguer avant la fin de la semaine car il n’en peut plus de les porter de la voiture à la scène, puis de la scène à la voiture.
Je suis un Aventurier (avec un grand « A ») et voilà à quoi a ressemblé ma semaine…
- Amener mes enfants à l’école. Mettre mes enfants au lit.
- Élaborer des présentations Powerpoint, réserver des billets de train, me débarrasser de communiqués de presse et des gens qui veulent me voler mon temps.
- M’inquiéter de déclarer mes impôts.
- Grogner après des fichiers Excel (voir 3) pendant des heures et vouloir me faire hara-kiri pour que ça fonctionne enfin.
- Aller à la salle de gym une heure car je suis trop « busy » pour aller parcourir les collines ou rouler à vélo quelques heures. Checker mes mails entre deux séries de tractions.
- Me taper les bouchons sur le périphérique. Courir après les trains. Attendre les trains.
- Manger de la bouffe de station service infâme et trop chère pour ce qu’elle est.
- Boire des litres de café pour rester éveillé (voir 3 et 6). M’empiffrer de Haribos (ceux qui pétillent). Je manque tellement de bon-vouloir que je dois jeter le paquet à l’arrière de la voiture, comme ça je ne peux pas les atteindre et je m’évite de m’envoyer tout le paquet et d’avoir mal aux dents.
- Donner des conférences pour gagner de l’argent (voir 3) à propos de ma vie faite de tellement d’aventures.
- Espérer refourguer mes livres à la fin, puis remplir ma voiture à nouveau avec tous les livres invendus pour retenter ma chance le lendemain soir.
- Rentrer à 2h du matin après 17h de route pour recommencer au point n°1.
Autrement dit, mon boulot est le même que celui de beaucoup d’autres personnes !
Et je l’adore vraiment (la plupart du temps). Je ne suis pas en train de râler. Je suis mon propre patron. Je fais mes propres choix. Je définis mes priorités. Je travaille souvent avec des fringues passe-partout (sauf point 9 précédent). Il y a beaucoup à dire sur la satisfaction de construire son propre succès et pour vraiment, vraiment apprécier les fois où je me retrouve dehors pour de vrai, à vivre des aventures que j’adore et qui donne à tout le reste sa raison d’être.
Cet article devait être bien plus profond que ça. On dirait qu’un jour entier à me pourrir la vie avec des fichiers Excel m’ont enlevé pas mal d’enthousiasme. Désolé !
Bonne semaine !