Le Kirghizstan après avoir passé les premières montagnes : une large plaine verte avec une grande chaîne de sommets enneigés en fond. C'est là bas que nous allons nous évader...
Après avoir passé le col Tôô-Ašuu, nous décidons de quitter l’axe principal pour nous aventurer dans les montagnes. L’idée est simple : couper tout droit à travers les montagnes sur une piste que Brian a identifié sur une carte trouvée sur internet. Le risque ? Nous ne savons pas si la piste est praticable en cette saison.
Ces trois enfants nous présentent un des mets locaux : "l’ayran". Ou plus simplement du yaourt, un produit originaire d'Asie Centrale d'ailleurs. Attention, rien à voir avec les pots que l’on pourrait trouver au supermarché ! Ici, c’est frais et en bon européen on peut trouver ça un peu fort. Mais avec un peu de sucre, on se régale.
La piste est en mauvais état, mais qu’importe, c’est nous-même qui avons choisi de passer par ici pour rejoindre des coins reculés plus prometteurs en rencontres comme en spectacle. Et vu le résultat, pour le moment, nous ne sommes pas déçus.
Dès le plus jeune âge, les enfants sont familiarisés avec le moyen de locomotion qui reste encore le plus commun dans la région : le cheval. Et quels chevaux : de beaux et grands étalons musclés qui partent au galop pour nous tenir compagnie.
Siphay se souvient : "Quand le temps est chargé, cela provoque parfois des pastels de couleurs encore plus variés. Nos émotions s'emballent, nous sommes subjugués par la beauté des teintes créés par les rayons de soleil se fiant un chemin jusqu'aux reliefs. À cet instant, nous sommes muets, et avançons tous ébahis. Lorsque nous nous arrêtons, nous ne pouvons nous empêcher de se témoigner les uns l...es autres de ce spectacle toujours plus beau à chaque recoins, sur cette vue 360º ! Nous voilà dans l'arène, cela est bien plus fort encore que les documentaires que je regardé avant de partir sur la Mongolie ou au sujet des habitants de ces régions aux vies nomades ! Nous faisons partie du paysage et, à la vue des chevaux au loin, je me convaincs que voyager ainsi sur leur dos fait partie de mes plans."
Des sourires de gosses, on ne s’en lasse pas, ils égayent nos journées depuis bientôt trois ans. Alors nous n’hésitons pas à vous les faire parvenir en images. :)
Nous n’arrivons plus à avancer : à chaque village ou nouveau virage se cache une beauté dans le paysage. Là, un double arc-en-ciel se fait voir par-dessus les différentes teintes de vert et les reflets lumineux jaunâtres du soleil sur la montagne. Spectacle inédit pour nous, nous nous arrêtons et vivons l'instant.
Les enfants sont naturellement attirés par les étrangers et curieux de nos vélos. C'est dans ces situations là que nous n'échangerions nos vélos contre rien au monde. Ces gosses ont clairement l'air heureux dans ces milieux reculés. Pourtant nous supposons qu'ils ne possèdent aucune console ou gadget dernier cri, vêtus de simples habits les protégeant du froid et non de grande marque.
Arrive la fin de la journée, le soleil bas trouve les dernières percées entre les nuages pour nous gratifier d’une lumière fascinante sur la montage. Il est temps pour nous d’aller à la douche froide dans la rivière !
Vers 19h nous sortons de la rivière, propres et présentables. Nous allons dans le seul magasin du village et achetons 1kg de pâtes et 3 boîtes de sardines. Le propriétaire de ce petit commerce, curieux et intrigué par nos vélos, nous posent les questions classiques. Vous venez d’où ? Vos noms ? Quels âges ? Depuis quand ? Combien de mois de voyage ? Où dormez-vous ce soir ? Nous lui montrons notre... tente et lui expliquons que nous partons camper à l’extérieur du village. Avec ses mains jointes en triangle devant son visage il nous explique qu’il a un toit pour nous... la suite se transforme en une expérience étrange... Lire l'histoire complète ici : http://solidream.net/lhonneur-dinviter-nest-pas-bafoue/
Lorsque l’on s’arrête pour une quelconque raison, nous en profitons pour faire des images que nous partagerons ensuite. Ici, alors que Brian regonfle son pneu, Morgan saute sur l'occasion pour préparer une scène de film et Siphay, l’appareil photo en main, immortalise le tout.
Pour faire ces images à trois nous devons anticiper l'opération. Nous repérons la scène que nous aimons, un d'entre nous va poser le trépied avec appareil photo ou caméra, enclenche le retardateur ou laisse tourner le film, revient à son vélo et fait un passage avec les copains. Ensuite il retourne chercher le matos, remballe tout et on reprend la route. Bien entendu, cela prend facilement une quinzaine de minutes, le temps de s'installer, de recommencer une, deux, trois fois car quelque chose n'était pas parfait, ou nous faisons d'une pierre deux coups en immortalisant l'instant en vidéo en plus de la photo.
Morgan écrit : "Il y a des moments comme celui là où j'oublie tout. J'ai la sensation d'être seul sur terre, de goûter à un monde où le passé et le futur n'ont aucune importance et où seul l'instant présent est valorisé. C'est un instant magique qui se traduit parfois physiquement par des frissons et psychologiquement par une sensation de paix intérieure et de bonheur pur. Vivre dans le présent c'est rare mais qu'est -ce que c'est bon !"
En France on dit parfois que la curiosité est un vilain défaut. Allez expliquer cela à ces enfants, nous nous préférons les photographier.
Comme un héritage de l’URSS, il reste de nombreuses traces du passé des russes en Asie centrale, à commencer par la langue. Les frontières un peu biscornues de ces pays, dont le Kirghizstan fait partie, ont été tracées par Staline entre 1924 et 1936 pour fragmenter la population et noyer les séparatismes. Aujourd’hui, ces frontières sont toujours là et laissent parfois place à des affrontements, comme en 2010 à Osh où kirghizes et ouzbeks s’affrontèrent, faisant 230 morts.
Nous descendons en altitude. La végétation s’assèche et la chaleur fait son grand retour. A part la piste un peu difficile, ce nouvel itinéraire nous enchante.
Nous faisons 77 km ce premier jour. La piste n’est pas trop raide et le soleil nous encourage. En fin d’après-midi, lorsque la lumière rasante offre les plus beaux contrastes, nous passons du temps à réaliser des clichés. C’est pour expérimenter ce genre d’environnement là que nous faisons ce voyage.
Cet homme nous avertit sévèrement que le chemin que nous souhaitons prendre n’est pas praticable à son point le plus haut, environ 3200m d’altitude. Trop de neige bloque le passage et il nous assure que, même à cheval, ça ne passe pas. Nous lui demandons si, plutôt que faire demi tour, nous pouvons longer la rivière qu'il y a sur notre carte pour rejoindre la route principale 200km plus à l'ouest. Il hésite puis nous dit que c'est possible... nous y allons !
Nous voici donc le long de la rivière Kekemeren à suivre une piste qui n'existe sur aucune de nos cartes. Avec 3 jours de vivres, sans GPS ni téléphone nous pouvons compter uniquement sur notre bon sens, notre endurance ainsi que sur les rencontres pour confirmer notre cap...
La piste n'est pas toujours très praticable et nous sommes parfois obligés de pousser nos vélos. Si l'effort et différent il n'est pas moins rude. Nous avons hâte de rejoindre un point d'eau pour installer notre camp et nous écrouler dans nos duvets.
Morgan écrit : "Voyager dans l'effort permet d'avoir le cerveau bien oxygéné toute la journée et ainsi de profiter au maximum de ce qu'on est en train de vivre. Lorsqu'on voyage en voiture par exemple on s'aperçoit que notre cerveau se met régulièrement en "veille" tandis qu'en vélo il est en éveil permanent."
A la sortie des rares villages que nous traversons, nous voyons ces cimetières typiques de la région installés au pied des montagnes. Ils reposent en paix.
Brian : "Il y a des moments où l'effort est dur mais on se sent bien quand même. Le décor est tellement fou que je suis motivé pour forcer et voir ce que cette route nous réserve. Je crois que c'est un 'moment Solidream' authentique."
La piste commence à nous donner du fil à retordre avec des pourcentages de pente franchement pas commodes. Nous sommes si lents que tenir l'équilibre devient compliqué. Sur ce cliché, on voit Brian en difficulté à l’arrière-plan. Il faut dire qu’avec notre matériel d’hiver encore dans nos sacoches nous emmenons 60 kilos par coup de pédale !
Nous cherchons notre chemin et tentons de comprendre par quelle montagne, quel col, quelle piste nous devons passer. Cette dame apparait au milieu de nulle part et nous en profitons pour lui demander quelques informations et nous rassurer de notre avancée à l'estime mais, en kirghize, cela reste difficile ! Une bonne rigolade aussi parfois.
Nous commençons à douter sur la facilité de cette route. Notre objectif, la route principale, a l’air d’être à 60 kilomètres à vol d’oiseau. Pourtant, les routes en lacets s’enchaînent et les cols avec. Un local annonçait environ 200 kilomètres. Vu la difficulté de la route, nous commençons à douter de nos capacités pour le faire en 3 jours, durée de nos réserves de nourriture…
Blanc, vert, orange. Ça pourrait être le drapeau du Kirghizstan pour dénoter la couleur de ses montagnes. Nous vadrouillons entre les teintes de couleur en fonction de notre altitude. Là, après avoir passé pas mal de temps en bas dans un canyon, nous remontons vers la verdure.
Même lieu, vue opposée à la photo précédente. Siphay explique : "Comme bien souvent, à la vue du soleil couchant, nous nous posons ces questions : - Ce camp à l'air confortable au bord de l'eau et la crue n'est pas menaçante, souhaitons-nous y dormir et terminer la journée ici ? - Il reste une heure de jour environ, désirons-nous avancer encore après ces 7 heures intenses de vélo et arriver plus fatigués que nous ne le sommes déjà ? - Quelle distance allons-nous parcourir dans ces reliefs inconnus et trouverons-nous un cours d'eau pour la douche et cuisiner ? Avancer ou s'arrêter, prendre un risque ou jouer la sécurité, il faut choisir."
Les bergers et nomades que nous rencontrons sont très curieux car c’est un endroit où les touristes ne passent pas. Ils nous rassurent que nous sommes sur la bonne route mais, d’après ce que nous comprenons, nous avons encore beaucoup de chemin !
En haut de ce col nous sommes surpris de trouver ce système d'irrigation, précaire mais efficace, qui permet aux fermiers de la région d'augmenter la superficie de leurs terres cultivables.
Puis, après la récréation, Jamchibeck et Jorobeck, arrivés en 4×4 une heure plus tôt, nous emmènent sur le flanc de la montagne exposé ouest, à environ quatre kilomètres de la maison. Nous sommes neuf dans la voiture et la bonne humeur bat son plein. Le véhicule s’arrête, tout le monde sort en direction des grandes étendues vertes. Nous les suivons. Ils nous expliquent comment trouver à manger dans ces montagnes, nous pointant du doigt les plantes que l’on peut manger. Nous cueillons ces racines au goût légèrement amer et nous asseyons tous ensemble sur les bords de cette arène naturelle.
Après une nuit perchés en haut d’une colline sous un ciel étoilé comme seules ces régions isolées savent offrir, loin des lumières artificielles, nous reprenons la route allégés d’1 kg de pâtes et de 3 boîtes de sardines. Nous grimpons plus de 1000 m de dénivelé en 22 km, plus de 3 heures d’effort et sommes accueillis au col par une tempête violente. L’orage gronde, la foudre illumine le ciel sombre et la grêle nous fouette le visage. Après 2 km de descente sous un ciel en colère nous apercevons deux maisons sur notre gauche. Nous n’hésitons pas longtemps et allons à la rencontre de leurs propriétaires pour demander l’abri.
Après quelques minutes à nous scruter et nous interroger une famille de bergers nous invitent à nous abriter dans leur étable avant de nous emmener à l’intérieur de la plus petite des deux maisons où l’unique femme de cette communauté de huit têtes s’occupe de trois bambins. Pelizat, au sourire permanent, nous prépare du thé chaud, nous sert du yaourt sucré et de la crème ambrée issus du lait de la ferme, nous régale d’un pain croustillant à l’extérieur et moelleux à l’intérieur et excite nos papilles avec du cassis cueillis dans la vallée.
Une fois que le soleil refait surface, nous troquons nos vélos contre leurs chevaux et passons une bonne demi-heure à rigoler, lorsqu’ils essaient de manœuvrer nos montures d’acier. Ils sont déterminés à réussir et les rires résonnent dans la montagne.
Pelizat en action à pétrir le pain. Nous avons rarement mangé un pain aussi bon, même en France ! Les kirghizes n’ont donc rien à envier à nos meilleurs baguettes, bannettes ou autres pains de campagne. Cette denrée fait parti de leur alimentation de base, et surtout dans ces fermes plus reculées ! Mais les grands comme les petits en raffolent toujours autant et n'hésitent pas à en grignoter tout au long de la journée.
Adil, l'ainé des 3 bambins. Morgan écrit : “Il y a certains départs où l’on se sent un peu démuni. On aimerait pouvoir laisser un cadeau mais nous ne possédons pas grand chose. Depuis le Laos, je gardais une petite flûte en bambou dans mes sacoches pour une occasion spéciale. J’ai donc sauté sur celle-ci pour l’offrir au plus grand des trois enfants avec qui j’ai passé du temps à jouer dans la maison. J’avais des frissons lorsque j’entendais le son du petit instrument résonner dans les montagnes tandis que nous entamions notre premier kilomètre de la journée…“
Ambiance chaleureuse. Le bonheur d’être par terre, assis autour de cette table ronde, entourés de ces jeunes bergers est difficile à traduire par des mots. Entre deux cuillerées, nous jouons avec Adil, Ali et Abdul-Aziz âgés de deux et trois ans. Le confort est précaire, ils s'éclairent à la bougie, l'eau est puisée à la rivière et le poêle sert à cuisiner autant qu'à chauffer l'unique pièce. Mais ce foyer respire l'amour, la convivialité, l’hospitalité, la douceur et le bonheur.
Nous ne transportons pas grand-chose dans nos sacoches pour rendre la pareille à ceux qui nous ont si bien accueilli. Ici nous leur montrons quelques films et leur copions les photos que nous avons pris d’eux sur une carte mémoire. Avoir des photos d'eux est une opportunité rare et nous sommes heureux de pouvoir leur offrir.
Erlan, le papa d’Adil, lui apprend les rudiments pour savoir monter à cheval dès le plus jeune âge. La culture du cheval est omniprésente en Asie centrale : avant que les hommes n’y construisent des routes, on s’y déplaçait à cheval. Et c’est encore un moyen de locomotion très répandu.
Un cliché qui traduit la bonne ambiance qui règne dans la maisonnette d’Erlan et Pelizat qu’ils ont construite de leurs mains. Alors que certains s’apprêtent à sourire pour notre traditionnelle photo avec nos hôtes, d’autres rient ou s'amusent avec les enfants.