Les problèmes techniques en Amazonie : la loi des séries
Le 13 août 2011 nous quittons Porto Velho en direction d’un de nos plus grands défis, nous n’allons pas être déçus, les difficultés et problèmes suivent la loi des séries…
Les vitesses hors service
Après une centaine de kilomètres, la roue arrière de Siphay nous pose quelques soucis. Nous attendons d’arriver à Humaità et changeons la chaîne dans un premier temps, puis les pignons du tendeur de chaîne que nous récupérons sur un dérailleur abandonné. Mais rien n’y fait, nous devons changer le moyeu arrière. Lundi 15 août nous quittons Humaità avec un moyeu arrière et un dérailleur trouvés sur place… le patron du petit garage à vélo nous a fait cadeau du tout lorsqu’il a appris que nous partions jusqu’à Santarém à vélo.
Nous savons que nous prenons des risques en nous engageant pour cette traversée avec du matériel bas de gamme. Chargés comme nous sommes, le matériel doit être solide.
Des adieux à une jante arrière
En changeant le moyeu nous avons été contraints de changer les rayons (les nôtres n’étaient pas compatible, trop petits). Ces derniers, plus grands et moins rigides, ont obligé la jante à encaisser les efforts et chocs de manière inhabituelle. Ainsi, 140km plus loin, la jante arrière de Siphay cède… Heureusement pour nous, ceci arrive alors que nous sommes déjà arrivés dans un village indigène. Ses habitants nous accueillent chaleureusement, nous offrent une case qu’ils réservent à leurs invités et nous régalent d’un superbe repas : riz, haricots rouges et poulet. Morgan raconte : « Je me sentais vraiment bien. Je trouvais exactement ce que je cherchais en venant dans cette région perdue du monde. La gentillesse, la curiosité et l’authenticité des gens qui ont un réel plaisir à nous accueillir et nous parler de leur région et leur village ainsi que d’observer nos comportements d’occidentaux. Mais nos soucis techniques m’inquiétaient… comment faire ? Quelle est la meilleure solution ? Retourner en arrière ? Rejoindre le prochain village à bord d’un camion ? »
Après discussion, nous choisissons ce qui nous semble être la meilleure option. Siphay retourne à Humaità avec les transports en commun locaux, qui par chance passent le lendemain matin à 8h, change la jante et reviens au plus vite. Brian et Morgan attendront chez nos hôtes Gilvan, Joana, Eliane…
Ce jeudi 18 août, après une journée en mission, Siphay apprend que le prochain bus en direction de notre village ne part que le jour suivant… il finira par trouver un chauffeur de camion qui accepte de le prendre. Pas de place dans la cabine, ni dans la benne, il fait les 2h30 de trajet accroché sur la petite échelle située entre la cabine et la benne… Il n’est pas prêt d’oublier ce passage où les sensations fortes étaient au rendez-vous !
Tout roule maintenant. Non, c’était une blague
Le vendredi 19 août nous disons au revoir à l’instituteur du village, sa femme ainsi que la doyenne, sa grand-mère Joana.
Nous roulons sous une chaleur écrasante, plus de 40°C à l’ombre avec une humidité omniprésente. A midi nous sommes dans le village appelé « Km 180 » et un brésilien du nom d’Israel nous invite spontanément au restaurant. C’est un homme d’affaire qui vient dans la région pour la pêche… nous n’en serons pas plus sur ses activités… mais sa générosité quant à elle ose nous faire croire que la chance nous revient, que la « roue a tourné ».
Après un excellent moment passé en sa compagnie nous repartons sur la route. Après quelques kilomètres seulement les pignons de la roue arrière changée à Humaità font des caprices. Tourner les pédales n’entraine plus la roue. Nous poussons, marchons sur plus de 10km pour trouver une rivière et installer notre camp. Que faire maintenant ?
Le lendemain, samedi, nous partons à pieds en sachant pertinemment qu’à cette allure il nous faudra 4 jours pour atteindre le village d’Apui. Mais une fois de plus les rencontres et la solidarité qui règnent dans ce coin du monde font leur miracle. Pone, un motard vivant dans le coin, s’arrête et nous prête main forte au pied d’un arbre au bord de la route, avec les outils du bord. Nous démontons l’intégralité du moyeu arrière et découvrons une pièce effectivement cassée… Pone nous apporte son esprit pratique, ses astuces et son expérience pour réparer, au mieux, la casse…
Vers 10h du matin nous repartons avec un vélo qui roule… Siphay explique : « Après que les premières pièces aient été remplacées à Humaità, nous avions décidé que je change le moins possible mes rapports, afin d’économiser ce nouveau matériel peu rassurant. J’ai donc passé les jours précédents sur une seule vitesse. Pour faciliter l’élan dans les montées j’étais obligé de garder un rythme bien différent de Morgan et Brian. Peu agréable, car sans parler des efforts inhabituels à fournir, j’avais en plus l’impression de passer une majeure partie du temps seul… » La casse est survenue paradoxalement à cause des efforts fournis. Donc nous avons décidé d’utiliser les 5 vitesses que compte son vélo à présent… (au lieu de 14 habituellement)
Impossible de monter sur le vélo
Avec cette réparation de fortune, Pone nous a grandement rendu service. Nous roulons plus de 60 km en essayant de ménager au mieux la monture de Siphay. Dans les côtes, Morgan et Brian se mettent de part et d’autres pour le pousser et ainsi soulager les efforts et diminuer ainsi les risques de casse…
En vain, après 65km c’est l’axe du moyeu qui casse… A présent il ne peut même plus monter sur son vélo dans les descentes. Nous n’avons plus d’autres choix que de marcher. Il fait chaud, très chaud, nous n’avons plus beaucoup de vivres, sommes fatigués et commençons à douter sur la possibilité de rejoindre Santarém à vélo. Nous commençons à parler de solutions alternatives, de rejoindre Santarem à la rame, en barque, en suivant le fleuve Tapajos qui vient terminer sa course dans le fleuve Amazone…
Après une bonne heure à marcher en développant toutes sortes d’idées nous voyons, au loin, un camion. C’est pour nous les gars ! Nous lui faisons signe de s’arrêter, lui présentons notre problème et rejoignons la ville d’Apui dans la benne. Moment intense, vues les conditions, relaté par Brian : « On avait enfin une bonne nouvelle, on allait rattraper le temps perdu. Malgré la nuit et une météo dantesque où le ciel s’éclairait toutes les cinq secondes sous la tempête, nous nous sommes mis à chanter sous la pluie en attendant notre bon repas une fois arrivés en ville »