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Traverser la Chine, la guerre des nerfs... | Solidream - Rêves, Défis et Partage - Récits, films documentaires d'aventure
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Siphay au repos dans une ascension

Traverser la Chine, la guerre des nerfs…

Nos débuts en Chine sont difficiles, à la fois à cause du relief accidenté du pays mais surtout à cause de problèmes administratifs extrêmement lourds qui nous empêchent d’avancer comme on le voudrait. Heureusement les habitants ne dérogent pas à la règle de la gentillesse et c’est tant mieux !

Paye tes cuisses !

Google Maps, aussi pratique qu’il soit, est un outil qui ne vous dit pas tout ! Mais là il nous a vraiment joué un sale coup car on ne savait pas que la route identifiée sur la carte était l’autoroute, interdite aux vélos. Celle-ci est remarquablement bien construite : elle virevolte entre les montagnes du Yunnan, sillonnant les vallées qui se font de plus en plus accidentées. Elle lisse le relief de manière alléchante pour nous, pauvres voyageurs à vélo… En effet son niveau reste relativement constant grâce à une construction surélevée, une route partiellement en apesanteur, solidement posée sur des piles en béton armé. Et sur plusieurs centaines de kilomètres jusqu’à Kunming, lorsqu’elle ne traverse pas les vallées, elle ignore les montagnes grâce à des tunnels parfois vicieux… 

Les tunnels de Chine

Les tunnels de Chine

Nous traversons les premiers tunnels, d’à peine quelques centaines de mètres de long, sans problèmes. Nous attendons qu’il n’y ait pas de véhicules qui arrivent derrière nous car il y fait très sombre et il n’y a pas de bas côté. Puis les tunnels se font de plus en plus longs et il devient impossible de ne pas se faire rattraper par des voitures ou des camions roulant au dessus de 100km/h. Ce coup là, vers 16h, nous nous engageons dans ce long couloir noir sans même apercevoir le bout.

Morgan raconte : « Je n’ai pas mis ma frontale car jusque là j’en avais pas eu besoin. Mais cette fois les lumières au plafond ne fonctionnent pas tout au long de ce tunnel sans fin… Je suis engagé, je roule à environ 35km/h, concentré pour rester sur ma voie tout en regardant derrière si aucun véhicule n’arrive. Il faut faire vite ! C’est d’abord en face qu’une voiture se présente. Ses phares m’éblouissent un petit peu mais me permettent surtout de voir où est-ce que je pose mes roues. Elle s’approche pour finalement me croiser et s’éloigner dans un écho assourdissant. Et là c’est l’écran noir. Plus aucune visibilité. Pas de lumières au plafond, le bout du tunnel inexistant, aucun véhicule pour éclairer ma route… Je sais qu’à environ 2m sur ma droite il y a un « trottoir » d’environ 50cm de haut et qu’au milieu de la voie il y a des poteaux tous les 20 m environ. Je freine en faisant tout mon possible pour garder mon cap. Mais ce qui me fait le plus flipper c’est d’aller taper un poteau au milieu de la route et, inconsciemment, je me rapproche du « trottoir »… Toujours dans le noir absolu et à une vitesse encore bien trop élevée je viens toucher le muret avec ma sacoche avant droite et ceci me fait tourner le guidon et m’arrête net. Avant même de toucher le sol je sais déjà la trajectoire que mon corps va prendre en l’air. Je me dis mentalement « t’as pas le droit de te casser quelque chose ». Je vole par-dessus le guidon, rentre le menton pour protéger ma tête et fais mon possible pour rouler plutôt que de taper ! C’est ma main droite qui touche le sol en premier, je fais une « roulade » et me retrouve à 4 pattes, immobile. Je me retourne et vois la petite lumière sur la tête de Brian qui arrive au loin, avec une voiture encore plus loin. Je luis dis « Attention je me suis crashé, mon vélo est au sol. Mais ça va je n’ai rien » ».

Morgan sort de là avec une sacoche éventrée, quelques égratignures sur la main et au genou ainsi qu’un os de la main qui paraît fêlé. Rien de bien grave. Après environ 85km nous sortons de cette route fissa avant qu’un vrai drame n’arrive. Brian s’en est collée une aussi le même jour, en moins grave quand même. Mais c’est une nouvelle surprise que le relief nous réserve, cette fois le choc est psychologique : la route secondaire, exempte de tunnels, serpente sur toutes les montagnes et semble vouloir nous faire suer jusqu’à la dernière goutte.

Nous sommes « condamnés » à emprunter cette route tortueuse jusqu’à Kunming. Les 700 km prévus se sont transformés en 900 km effectifs avec, pour ainsi dire, aucune portion de plat. Avec nos vélos chargés de notre matériel d’hiver nous grimperons  plus de 11 500 m (dénivelé positif) en 900 km et 9 jours de vélo.

Rencontre avec la Chine

Bon, cessons de nous plaindre. Après tout cette route est bien jolie et offre de très belles vues sur les vallées agricoles du sud de la Chine. Nous vadrouillons sur des flancs de montagnes littéralement sculptés par les travailleurs : ils les ont aménagé en terrasses pour les cultiver. Au début nous voyons surtout du thé : des haies vertes organisées en rangées sur des flancs entiers; nous aurions dit des amphithéâtres géants dans lesquels les paysans se baladent, d’une rangée à l’autre, avec leur sac en osier sur le dos pour effectuer la récolte. Puis les cultures se diversifient au fur et à mesure que nous avançons vers le nord : laitues, rizières, piments… Et tant de choses que nous n’avons pas pu identifier ! Les lignes vertes de thé laissent place à un quadrillage multicolore vu d’en haut des montagnes. Ce n’est pas nous qui l’avons inventé mais ce n’en est pas moins vrai : la montagne, ça vous gagne !

Petit dej' chinois : la soupe populaire !

Petit dej’ chinois : la soupe populaire !

Qu’en est-il des habitants ? Si nos rencontres avec les chinois dans les autres pays du monde nous avaient laissés perplexes, nous prenons encore une bonne leçon. Peut-être pas aussi souriants qu’au Laos mais pas moins serviables, les chinois que nous côtoyons sont des gens généreux et curieux. Sûrement sont-ils moins habitués à voir des touristes qu’au Laos mais, dès que le contact se fait, les gens laissent paraître le plaisir naturel qu’ils ont à échanger avec l’étranger de passage. Le voyage à vélo vous fait découvrir ça. Personne ne nous refuse de l’eau bouillie, on nous offre parfois des fruits frais sans n’avoir rien demandé et la nourriture est bon marché et délicieuse. On doit commencer à se répéter après deux ans et demi mais la générosité et le sourire sont des richesses immatérielles, gratuites et intarissables dont le monde est rempli. Et la cuisine, quelle cuisine ! Nous pouvons, dans ce pays, nous permettre de manger aux petits bouis bouis du coin ou au restaurant sans même inquiéter notre budget quotidien de 8€. Autant vous dire qu’on en profite, et pas qu’un peu ! Chaque jour nous mangeons des plats aux saveurs raffinées et différentes. Même la soupe de nouilles traditionnelle du matin semble être à la bonne volonté du cuisto sur le choix des épices ainsi que l’origine de la viande et des légumes. Le riz est pour ainsi dire à volonté et, le soir, c’est repus que nous repartons pour quelques petits kilomètres le temps de trouver un lieu où planter la tente en bordure d’un champ.

Des vues splendides sur les vallées agricoles

Des vues splendides sur les vallées agricoles

Arrivés à Kunming, nous sommes hébergés par une famille americano-canado-chinoise vraiment adorable. Jonathan, Annie et leurs 3 enfants nous laissent à nous tout seuls l’appartement inoccupé des grands-parents situé en face du leur ! Une famille modèle et visiblement heureuse, mordus de voyage en  sac à dos ou même à vélo (ils ont fait le tour de Taïwan à vélo et en famille!). Le second soir, l’ambiance est excellente et nous sommes conviés, après un excellent repas, à participer à la session familiale de « pilates », soit un genre d’exercice physique « bon pour le dos et les abdos » nous assure Jonathan ! Une bonne session de rigolade inattendue où nous avons la sensation d’être totalement adopté par cette famille de globetrotters avec qui nous avons noué une relation toute particulière. Nous regardons la carte et notre situation semble à peine avoir bougé vers le nord malgré tous nos efforts. Nous savions que nous ne pourrions pas tout faire à vélo en Chine avec seulement 30 jours de visa… Nous prenons donc un train jusqu’à Chengdu pour résoudre quelques problèmes administratifs… Avant de partir, Annie prie pour nous. Et pourtant…

Un sac de noeuds…

Un renouvellement de passeport français au consulat de Chengdu, un prolongement de visa chinois, un visa du Kazakhstan à faire et un planning serré. C’est l’ensemble des contraintes qui nous met dans de beaux draps pour notre périple à travers la Chine. Nous allons essayer d’expliquer clairement une situation vraiment tordue…

Les contraintes :

– Les 5000 km qui nous séparent de l’autre bout du pays sont impossibles à parcourir en 30 jours (durée du visa chinois obtenu au Laos).

– Nous souhaitons étendre notre visa chinois pour parcourir cette distance. C’est possible mais compliqué : en fait il s’agit d’un nouveau visa que nous demandons une fois en Chine mais qui prend une page supplémentaire sur nos passeports…

– Pour pouvoir faire cette demande d’extension, il faut s’enregistrer à la police du quartier avec l’adresse de son hébergement (qui doit obligatoirement être dans la même ville que la demande du visa), cela prend environ 3h si l’on est chanceux.

– Obtenir un visa pour le Kazakhstan, notre prochain pays sur la route n’est possible qu’à Urumqi dans le nord du pays et demande 4 jours ouvrables de délai d’après nos sources. Il prend également une page sur notre passeport…

– Après 2 ans et demi sur la route, nous n’avons plus de place sur nos passeports (en particulier Siphay et Morgan) donc nous devons faire renouveler nos passeports, chose possible au consulat de France à Chengdu.

Notre itinéraire en Chine

Notre itinéraire initialement prévu en Chine – En vert le vélo et en violet le train

 

Les embûches

Notez que nos premiers visas expirent le 10 avril et que nous pouvons potentiellement avoir un second visa jusqu’au 26 avril, car il est possible de l’étendre de 30 jours supplémentaires à partir de la date du commencement de la démarche.

– Les nouveaux passeports seront prêts au mieux le 8 Avril, sinon le 18 Avril à Chengdu.

– Faire un nouveau visa chinois sur nos anciens passeports (qui seront encore utilisables en Chine), cela prend 5 jours ouvrés (donc 1 semaine) aussi à Chengdu.

– Nous ne pouvons pas nous éterniser à combattre les formalités administratives en Chine et avons aussi l’intention d’être rentrés en France fin Août 2013 J

– La route que nous avons prévue de faire à vélo de Chengdu à Lanzhou se situe sur le plateau en altitude et monsieur le Consul lui-même nous a prévenus que cette zone pourrait être interdite aux étrangers (tout comme le Tibet).

Solutions et conséquences

Nous souhaitons avancer en vélo (quand même !) dans tout ça. Nous avons déjà parcouru 900 km du Laos à Kunming et souhaitons faire de Chengdu à Lanzhou, puis d’Urumqi à la frontière kazakhe. (Un total de 2700 km en Chine quand même).

1. Nous avons entendu parler d’une option à Lichang plus au sud pour faire étendre nos visas chinois en 24h mais nous ne sommes certains de rien… Cela nous obligerait à faire un trajet en train de 8h aller-retour, dépenser de l’argent dans un hébergement pour pouvoir s’enregistrer à la Police (contre les principes de Solidream) et perdre 48h au moins dans cette opération. Nous ne sommes pas certains que cela fonctionne et personne ne sait nous le dire (et personne ne répond au téléphone !).

2. Faire étendre nos visas sur la route plus loin : probablement possible mais très risqué car nos visas expirent dans 2 semaines et il faut à priori au moins 4 jours ouvrables pour obtenir une extension.

3. Oublier la route prévue et faire une boucle dans les montagnes près de Chengdu à vélo, en attendant que nos extensions et nouveaux passeports se fassent.

4. Lancer la procédure de visa à Chengdu en parallèle du renouvellement de passeport, partir sur la route vers Lanzhou et revenir prendre nos anciens passeports (en même temps que les nouveaux) en train (30h aller-retour). Problème : nous voyagerons sans passeport dans une région qui paraît sensible et devrons prendre  le train sans passeport (obligatoire ici pour prendre le train) de Lanzhou pour revenir les chercher à Chengdu.

Verdict

Nous sommes le 28 mars et ne souhaitons pas du tout passer 2 semaines à attendre à Chengdu, au pied de ses grandes tours en béton. Cela compromettrait complètement le trajet à vélo que nous avons déjà abrégé entre Kunming et Chengdu avec 1000 km de train environ. Faire une boucle paraît une bonne solution de secours mais nous sommes plutôt du genre à aller de l’avant donc nous écartons cette solution. Aucune d’ailleurs n’est un enchantement mais nous devons quand même faire un choix. Après 4 bonnes heures à discuter et cogiter nous validons l’option nº4 : nous partons donc sur le plateau, à près de 4000 m d’altitude, vers Lanzhou sans passeports, avec un papier de l’immigration qui statue que nos passeports sont en attente à Chengdu et espérons nous débrouiller avec ça (nous nous baladerons quand même avec des photocopies de passeports et visas). Nous devrons revenir (en train ?) chercher nos passeports (nouveaux et anciens, vous suivez toujours ?) à Chengdu avant de repartir en direction d’Urumqi où nous ferons faire nos visas pour la Kazakhstan…

Et là, c’est drame…

Nous posons donc nos dossiers à l’administration chinoise avec l’intention d’obtenir un papier qui nous permette de voyager le temps de faire faire nos visas. Sauf qu’ils en ont décidé autrement : ce n’est qu’une fois nos passeports de l’autre côté du comptoir que nous regardons, incrédules, la note inscrite : « ne pas sortir de Chengdu avant d’avoir récupéré vos passeports ». Date de récupération des passeports : 7 avril ! QUOI ??!!

Interdiction d'avancer...

Interdiction d’avancer…

C’est trop tard, le mal est fait. Nous ne comptons tout de même pas rester en ville jusque là, vraiment trop frustrant. Nous ne nous sommes jamais fait contrôlés sur la route mais nous ne pouvons pas tenter le diable à partir jusqu’à Lanzhou et revenir en train sans passeports, ce serait vraiment prendre des risques…

Donc nous partons pour une boucle de 800 km environ en restant dans la province du Sichuan et serons de retour la semaine prochaine à Chengdu pour récupérer nos passerpots (les anciens avec le nouveau visa chinois et les nouveaux au consulat français). Nous pensons que nous risquons éventuellement une amende et une demande de retour express vers Chengdu, nous verrons bien…

Nous espérons ne pas vous avoir trop cassé la tête avec tout ça, mais nous voulions illustrer la situation (extrêmement) compliquée dans laquelle nous sommes actuellement, tout ça à cause de problèmes d’administration horribles…

L’altitude, la jungle, le vent, l’humidité, la neige, les déserts… Rien ne vaut les règles et les lois que l’Homme s’impose pour nous ralentir à travers les continents…

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