Esprit d’aventure et monde d’après : avancer ensemble sans tout prévoir (1/2)
Ce texte est la première partie d’une série de 2 articles. Ils seront débriefés en live ici jeudi 12 novembre à 21h 🙂 La seconde partie est à paraître mercredi 11 sur le blog Après la Bière.
Intro : Personne ne sait précisément ce que l’avenir nous prépare. Mais lorsque l’on s’intéresse au sujet, on est en droit d’être inquiets, voire, disons les choses franchement, terrifiés. Pour ceux qui ne parviennent ni à faire les autruches ni à regarder ailleurs, il faut bien se faire à l’idée et se préparer à vivre une Histoire dont on n’oserait même pas lire la fiche Wikipedia. Nous sommes contraints à essayer de trouver des manières de vivre cette époque dans laquelle on ne finit pas de tomber mais sur laquelle on risque fort de s’écraser.
Dans cette série de 2 articles, nous avons voulu examiner s’il y avait des enseignements à tirer de l’esprit d’aventure afin d’affronter l’époque à venir, celle où comme le dit Gramsci, “les monstres surgiront dans le clair-obscur” [1]. Il ne faut pas voir dans ce rapprochement une “romantisation” du chaos et des effondrements, simplement une tentative (désespérée ?) d’enfants gâtés à se préparer à ce à quoi rien ne les a préparé.
Dans cette première partie, nous essayons de voir si, à la façon d’un groupe de baroudeurs s’apprêtant à traverser la jungle, il ne serait pas possible de se sentir « bien » sans pour autant savoir ce que nous trouverons demain sur la route ni de combien de kilomètres seront espacés les ravitos.
1. Passer de l’inquiétude du débutant en milieu non contrôlé à la joie qu’il le soit. (version aventure)
Brian
Lorsque j’ai décidé de partir autour du monde à vélo, les copains Morgan et Siphay étaient déjà sur la route depuis 8 mois, et ils avaient fait les 6 premiers mois avec Bertrand, un autre de la bande. Eux me disaient : “tu verras, c’est pas si compliqué, t’as le physique”. Sauf que ma première inquiétude sur les routes chiliennes, ça n’était pas tellement d’aligner les kilomètres – même si j’ai mis 3 mois à me mettre au niveau à grands renforts de kilos de pâtes et de sucreries -, mais plutôt de savoir quel serait notre parcours du jour et où nous allions dormir le soir. Pour corser le tout, nous nous étions imposés le mode d’action de ne jamais payer d’hébergement. Mais j’avais besoin de savoir, ne serait-ce qu’une idée vague, de me projeter quelque part. Je les saoulais de questions ou de suggestions sur l’endroit où faire étape, parfois au point de les agacer. Mais la même réponse revenait inlassablement : “on verra bien, pourquoi tu t’inquiètes ? On plantera la tente quelque part, comme d’hab’.”
Fraîchement débarqué de mon job d’ingénieur dans le milieu de la banque après seulement 8 mois d’office (il n’en pas fallu plus mon me convaincre que ce milieu n’était pas pour moi), je venais de renoncer joyeusement à la planification de ma vie entière. Mais de là à ne pas savoir où dormir le soir-même, la transition était abrupte. Le truc, c’est qu’eux étaient d’accord entre eux : ils étaient les plus nombreux, donc ils me demandaient de m’adapter. Là, j’ai commencé à apprendre à voir le bon côté des choses car nous n’avions pas choisi ce mode d’action juste pour économiser : c’est en passant d’innombrables soirées dehors à ne pas savoir où dormir que nous avons provoqué autant de belles rencontres. Ce sont plus de 200 familles qui nous ont hébergés à travers le monde en 3 ans, et loin du mode “J’irai dormir chez vous”. Le vélo-sacoches attire l’oeil et la sympathie, on était plus dans un mode “Aller, viens dormir chez moi”, même 3 ou 4 mecs poussiéreux en besoin immédiat d’une douche. Chaque nouvelle invitation était touchante, magique parce que non planifiée et émanant d’une spontanéité de l’entraide, et ce dans toutes les régions du monde.
Alors bien sûr, il ne faut pas s’attendre à ce qu’on vienne vous cueillir sur la place du village tous les soirs. Une bonne majorité du temps, on finit par dormir au mieux dans un joli champ, au pire au bord d’une autoroute mexicaine où les camions sans silencieux pétaradent plus fort encore que la bêtise quotidienne d’Eric Zemmour sur CNews (c’est dire !). Mais après 2 ou 3 ans de voyage, on fait confiance à la route : on se complait dans cette incertitude, dans la surprise que le monde a à nous offrir. Et tant pis s’il faudra souffrir un peu ce soir.
Je me souviens que, 2 ans après mes débuts au Chili, nous nous trouvions sur une route isolée du Kirghizstan. Nous arrivions en haut d’un col et la grêle se mit à nous tomber dessus. La prochaine “route” sur une carte était à 200 km, et nous n’avions plus grand chose à manger. Je ne dis pas que je n’aurais pas apprécié trouver une tchaïkhana tout de suite pour m’abriter, mais je me souviens bien lâcher prise intérieurement. Sous mon chapeau, je me disais : peu importe ce qui advient maintenant, je sais que, quelque part sur le chemin, il y aura du réconfort. De l’humanité même. Le soir-même, nous avons été accueilli par une petite communauté kirghize où Pelizat, la seule femme du groupe, a cuisiné un potage de légumes chaud, du beurre frais séparé du lait devant nos yeux, servi sur du pain fraîchement cuit et croustillant. Et je peux vous dire : pas cocorico, le meilleur pain, c’est le kirghize ! Les hommes nous ont ensuite montré comment trouver les racines sauvages comestibles, prêté leurs chevaux et les enfants découvraient peut-être leurs premières têtes d’occidentaux.
Dans le fin fond des montagnes kirghizes isolés, une grêle cinglante nous accueille au col. Nous n’avons plus beaucoup de nourriture et la « civilisation » serait à 200 km. Puis, « la vie se réveille et cicatrise tout » (Nicolas Bouvier, L’usage du monde).
C’est assez étrange d’avoir confiance dans l’incertitude au début, mais cela fait un bien fou. Il y a à la fois la confiance franche et amicale dans le groupe dont je faisais partie, et en même temps une confiance floue, diffuse dans la route et ce qui va advenir avec la communauté des humains qui s’y trouveront. C’est l’avantage du non planifié : on ne se méfie pas que les choses tourneront différemment que prévu. Bien sûr, les deux sont complémentaires : planifier son mode d’action (ici la progression sur un vélo avec un minimum d’autonomie) est justement ce qui va nous donner la possibilité d’embrasser la l’imprévu avec une allégresse malicieuse.
Ceci est vrai pour à peu près tous les modes de voyage non motorisés, mais c’est également une non-inquiétude à laquelle j’essaie de me raccrocher dans ma vie de réalisateur indépendant, où la visibilité est bien souvent réduite. Dans le contexte de pandémie actuelle, je suis bien sûr, comme tout le monde, inquiet du nombre de décès, de la crise économique créée, de nos libertés réduites à long terme. Mais j’ose espérer qu’il faut avancer malgré tout, s’extraire du confort léthargique qu’on nous sert comme modèle idéal, y aller sans tout savoir, mais en pensant quand même. Car “il n’y a rien de plus confortable que de ne pas penser” (Simon Weil – Note Générale sur la suppression des partis politiques). Mais en pensant ensemble, avec joie, en vivant de telle sorte que, “quand nous ne serons plus, le croque-mort lui-même pleure à notre enterrement.” (Mark Twain)
1. Passer de l’inquiétude de ne pas être la génération gâtée qu’elle pensait être à la joie d’avoir tout à inventer. (version sociétale)
Jean-Lou
Le monde de demain est tellement incertain qu’il est littéralement inimaginable de nous y projeter. Le directeur de la “fresque du climat” [2] – une animation pédagogique ayant pour but de sensibiliser à grande échelle la population à la complexité et à l’importance capitale des enjeux climatiques – laissait une journaliste de BFM en PLS lorsqu’il affirmait lors d’une interview “brûlante”:
« La trajectoire actuelle, ça veut dire que la baisse des rendements agricoles au cours du siècle fera qu’il y aura de la place sur terre pour 1 milliard d’humains, la question étant : est ce que vous voulez que vos enfants en fassent partie ? Et même, voulez vous vraiment qu’ils en fassent partie ? Qu’est ce qu’ils auront vécu d’ici là ? »
Si on prend au sérieux cette intervention [3] mais globalement tout ce que dise les scientifiques à propos de la trajectoire sociétale que nous prenons, il est important de garder deux choses à l’esprit:
1. Rien n’est écrit! Certes le pire est possible, certes tous les scénarios dont on rêve ne sont pas possibles mais non, tout n’est pas écrit et le pire n’est pas inexorable.
2. La société va subir des bouleversements d’une importance qu’il nous est impossible d’appréhender. On peut être aujourd’hui interloqués lorsqu’on voit des inondations, des incendies et des températures qui n’ont aucune commune mesure avec ce que nous connaissions mais ayons conscience que même lorsque les Alpes commencent à s’effondrer [4] ou bien lorsqu’on se confine 2 fois l’an, il ne s’agit que d’un modeste “stage de préparation” aux bouleversements dont l’humanité fera l’expérience de notre vivant.
Qui sait si demain l’Europe existera encore ? Qui sait si demain, une puissance ne prendra pas la tête du monde, plus ou moins brutalement, afin de coordonner une réponse globale au changement climatique [5]? Qui sait si nous ne nous replierons pas tous dans des éco-villages ? Qui sait si avant ça, nous ne sombrerons pas dans une guerre civile où les gens avec une tête carré se battront contre les gens avec une tête ronde comme dans le fabuleusement pédagogique jeu de Nicky Case « Nous devenons ce que nous regardons » ?
Qui sait si dans un dantesque effort de “guerre” (#climateIsWWIII) dont nous savons l’humanité capable, nous ne parviendrons pas à maîtriser la fusion nucléaire pour partir coloniser l’espace?
Qui sait?
Personne! La seule chose dont on doit être convaincus, c’est que tout peut changer et que tout VA changer. On a probablement autant de chance de vieillir tranquillement avec une confortable retraite d’ingénieur airbus dans notre petit pavillon de la banlieue toulousaine que de finir colon sur Mars. Et au jeu des probabilités, je miserai plutôt sur une vie en communauté, plus ou moins paisible et plus ou moins volontaire.
Une fois qu’on a accepté que le monde dans lequel on se projetait naturellement allait s’évaporer comme une forêt Californienne en 2020, on réalise que nous sommes beaucoup à avoir finalement très peu à perdre à “tout” risquer.
Un grand philosophe français l’avait pressenti il y a quelques années déjà, dans un monde où on ne sait sait pas qui nous devrions devenir, il suffit de se rappeler que :
“C’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui” (Rémi Gaillard)
Comme le disait Brian à propos du voyage, le risque d’être déçu n’existe plus quand on a rien prévu. Tim Urban ne dit pas autre chose dans sa complexe équation [6]:
Comprendre (et ressentir [7]) que nos prévisions ont très peu de chance de se réaliser nous aide à relativiser les risques découlant de tel ou tel choix de vie. Si aucun choix de vie n’est capable de nous garantir la prospérité à long terme, alors c’est que quelque part nous avons vraiment le choix. En ce sens, l’époque que nous allons vivre sera “libératrice”. J’ai toujours senti que si j’avais grandi dans l’univers de mon père, j’aurais fait comme lui, je serais devenu médecin et j’aurais “bâti” une vie comme celle dont mes parents m’ont entouré. Il faut une sacré dose de courage, de prétention ou de folie pour tenter le “diable” dans un univers où votre chemin est aussi tracé que garanti.
Demain, nous pourrons peut-être faire nôtre la phrase de Stefan Zweig qui disait en 1942 à propos de sa génération :
“Ainsi chacun d’entre nous, même le plus humble de notre génération, en sait aujourd’hui mille fois plus sur les réalités de l’existence que le plus sage de nos aïeux. Mais rien ne nous a été donné gratuitement. Ce que nous avons acquis, nous en avons payé le prix entier dans la monnaie qui a cours aujourd’hui.”
Je ne sais pas quel sera “le prix entier” de la monnaie qui aura cours demain mais je crois férocement en notre capacité à la transformer en quelque chose qui donnera du sens et de la valeur à nos existences. Demain, la projection deviendra tellement difficile et inutile qu’il sera de plus en plus naturel de ne pas s’y résoudre. Notre environnement nous sommera de simplement vivre et faire ce que nous avons à faire. L’époque nous impose de vivre au présent et d’avoir confiance en notre vie comme les aventuriers font confiance à la route. Nous devons avoir confiance en la vie, non pas à cause de la certitude qu’elle sera meilleure demain mais grâce à la conviction que nous sommes capables d’en sublimer chaque instant. La seule certitude, c’est qu’au bout de l’aventure, la nuit finira par tous nous envelopper définitivement.
2. Gestion du risque acceptable en équipe : passer du doute individuel à la confiance collective (mode aventure)
Brian
Je me souviens très bien avoir été casanier. Ado, j’étais quand même sportif, mais j’aimais aussi passer des heures sur les jeux vidéos et, en 5ème, j’ai vécu l’arrivée d’Internet dans mon foyer comme une délivrance. J’aurais pu finir ingénieur informaticien. Euh…mauvais exemple : mon premier job en sortie d’école d’ingénieur était dans l’informatique bancaire. Bref, je n’étais pas spécialement intrépide, plutôt réservé même. La sortie de ma zone de confort, lors d’un road-trip croate à 18 ans ou à vélo autour de la Corse à 20 ans, elle s’est faite grâce aux copains. Ensemble, nous envisagions des itinéraire loufoques sur des cartes imprécises. Google Maps était encore un outil non côté en bourse sur lequel pouvaient s’étendre nos délires de traversées sauvages. Nous ne savions pas exactement de quoi le terrain serait fait, mais nous avions des cacahuètes et de l’eau. Au mieux, ce serait une balade sportive remplie d’effusions de joie débridée par des blagues de mecs. Au pire, nous aurions un peu faim avant de revenir en lieu sûr.
Plus tard, nous avons augmenté le facteur d’inconnu au point que ce retour en lieu sûr devienne de plus en plus lointain dans le temps et dans l’espace. Il m’arrivait souvent de douter de nos capacités. Par exemple, lorsque nous avons envisagé d’emprunter la transamazonienne sur 2500 km, nous n’étions pas toujours d’accord sur la quantité d’informations à connaître pour se lancer : j’étais plutôt du genre à essayer de me rassurer. Clairement, nous avions affaire là à quelque chose d’assez risqué sur le papier : des villages pour se ravitailler très éloignés sur la carte (environ 400 km pour les plus lointains), une chaleur humide étouffante en perspective (avec pas d’ombre sur la piste), de grosses inconnues pour savoir où trouver de l’eau, la peur du onça (le jaguar) ou encore l’ambiance très bizarre des groupes de garimpeiros (chercheurs d’or) et des braconniers qui font la loi dans la jungle. Le locaux eux-même ne savaient pas dire si l’ensemble de la piste était praticable. Alors j’ai débusqué des récits plus ou moins récents pour connaître son état, nous avons analysé les cartes ensemble et repéré les cours d’eau sur notre chemin. Sur ce chemin de réflexion, nous avons mis soit de la préparation, soit une quantification en face de chaque risque détecté. Exemples : nous avons repéré tous les cours d’eau sur les vues satellites pour diminuer le risque d’avoir soif (nous avions un filtre avec nous, que nous avons fini par ne plus utiliser que dans les cas où l’eau était très douteuse) et nous avons accepté le risque de ne pas pouvoir se ravitailler en nourriture sur des portions de 400 km. Une bonne partie de ces risques, je ne les aurais pas imaginé si j’étais parti seul. Cela dit, les risques n’étaient pas réduits à zéro, mais chacun avait exprimé ses doutes sur lesquels le groupe a pu construire son mode d’action. “Trois sots font un sage”, dit le proverbe vietnamien.
Il y eût évidemment des imprévus : nous avons réalisé lors de cette traversée l’importance du sel dans notre alimentation. En particulier sous une chaleur de plomb. Une crise d’hyponatrémie plus tard, nous avions appris. Et personne ne fut blâmé pour n’avoir pas anticipé ce souci, tout simplement parce que nous ne nous étions pas projetés dans cette situation. La situation aurait pu être anticipée, nous avions l’information facilement accessible (manger salé lorsqu’on sue énormément). Mais notre régime normal ne nous laissait pas penser que cela aurait pu arriver. C’est le climat chaud humide extrême qui nous a poussés dans nos retranchements, chose inhabituelle jusqu’à présent.
C’est un fait incontestable de notre expérience qu’on ne peut pas absolument tout prévoir lorsqu’on entame une aventure. Pour autant, faut-il se retrancher derrière ce constat pour ne rien réfléchir en amont avant le départ ? Ou pire, dire que c’est trop dangereux et rester à la maison ? L’aventure est, au mieux, un terrain d’apprentissage intense et jouissif pour l’esprit et le corps. Au pire, soyons honnêtes, c’est la mort. En voyage à vélo par exemple, le risque objectif (qui ne dépend pas du tout de soi) le plus grand est de se faire percuter par une voiture ou un camion. En alpinisme, c’est la chute de rochers. Mais soyons raisonnables : le sain d’esprit qui part avec un tableau assez conscient et prépare méticuleusement son mode d’action ne part pas avec la conviction qu’il va mourir. On réduit au minimum le risque subjectif, c’est-à-dire les risque qui ne dépendent que de son attitude (voir à ce sujet la notion de risque homéostasique). Par exemple : décoller en parapente alors que les conditions ne sont pas réunies pour le faire. Le seul risque, à mon sens, qui peut annuler un départ, est le risque objectif qui peut souvent être quantifié en amont (au moins en probabilités). Le reste, on doit le maîtriser ou bien être un tant soit peu suicidaire. Mais au fond, on espère tous évidemment revenir vivant pour s’attabler avec les convives et narrer nos épopées après la bière. Pour moi, c’est ça le sel de la vie : éprouver son propre corps, seul ou en équipe, et s’émerveiller des histoires des autres.
2. Gestion du risque acceptable dans un univers où les circonstances bouleversent les fondements de nos sociétés (version sociétale)
Jean-Lou
Cette notion de risque que Brian vient d’évoquer quant à ses aventures, il va être de plus en plus important de l’intégrer à notre vie quotidienne. Il sera stratégique demain de réaligner notre notion de ce qui constitue un “risque” en fonction des évolutions d’un monde qui nous promet uniquement de ne plus pouvoir tenir ses promesses. Ce n’est plus vraiment un risque de ne plus pouvoir exercer son métier quand on sait qu’on devra de toute manière en changer.
On m’a souvent dit que j’avais pris des “risques” en quittant un métier confortable en 2013. Quels risques exactement? Celui d’abandonner une carrière morte-née avec 10 ans d’avance? Prenons-nous un risque en abandonnant une maison qui demain, brûlera?
La notion de risque est intimement liée à la notion précédente de projection: quelque chose est risqué en comparaison avec un avenir probable dans lequel on se projette. C’est cet avenir probable qu’on risque de perdre. C’est un risque de perdre sa maison pour la simple raison qu’on pensait avoir une chance de la garder. Dans un monde où la propriété privée n’existerait plus, le risque de perdre quelque chose n’existerait plus non plus.
Nous vivrons peut-être dans un monde demain où les seuls vrais risques à considérer seront celui d’avoir faim, d’avoir froid, d’avoir soif et de mourir. Dans un tel univers, nous n’aurons plus le “loisir” que les autres “risques” existent. Plus la situation va devenir chaotique, plus le niveau de ce qu’est un “risque acceptable” va diminuer, jusqu’à finir par coller, j’en ai peur, avec le risque acceptable de Brian au milieu de l’Amazonie. Le risque que nous ne pouvons et que nous ne pourrons jamais accepter c’est celui de ne plus avoir “ni d’eau ni de cacahuètes”. Nous devons avoir en tête que tout ce que nous faisons et tout ce que nous acceptons de perdre doit être fait au nom du refus de ce risque inacceptable là.
Dans le monde de demain, nous devrons sans doute nous ficher de perdre notre confortable travail de bureau à partir du moment où cet événement nous aide à œuvrer et à baisser le niveau de probabilité d’occurrence des seuls risques que nous ne pourrons jamais accepter : la faim, la soif, le froid et la violence. Nous allons, au milieu des remous de notre époque, devoir lutter pour maintenir notre solidarité et notre humanité dans une adversité à laquelle rien et surtout pas notre époque ne nous a préparé :
«Les temps difficiles créent des humains forts,
Les humains forts créent des temps de prospérités,
Les temps de prospérités créent des humains faibles
Et les humains faibles créent des temps difficiles.»
A nous aujourd’hui de devenir les humains forts qui sauront peut-être créer demain une prospérité plus durable. Bien entendu, lorsque nous serons dans le tumulte, nous nous dirons sans doute qu’à choisir, nous aurions bien opté pour une autre époque? Peut-être… et alors? On ne va pas passer notre vie à regretter ne pas être nés dans le jardin d’Eden?
Lutter et participer à un mouvement qui nous dépasse pour maintenir le fil de ce qui fait la vraie beauté de notre humanité – la solidarité, la vie, l’entraide – est une perspective qui, même si on n’a choisi ni son époque ni son rôle, peut nous mobiliser et nous enthousiasmer comme la plus belle et la plus risquée des aventures !
En attendant la suite (demain sur ApresLaBiere),
Nous vous souhaitons la paix et la santé,
Tant que vous êtes là ;), la meilleure manière de suivre et de soutenir Jean-Lou et son projet d’ApresLaBiere, c’est de vous abonner à sa “gazette” : http://eepurl.com/dnS6WD (sans oublier d’ajouter jeanlou(at)apreslabiere.fr à vos emails favoris)
Et pour quelques bonnes images de vélo sauvage, de parapente en équipe, de voile transocéanique, il y a la Newsletter de chez Solidream : https://solidream.net/newsletter/
RES-SOURCES
[1] « Pourquoi citent-ils tous Gramsci ? »
[2] Pour ceux qui sont curieux de la « fresque pour le climat »
[3] L’intervention est très sérieuse et la magnitude de ce qui nous attend l’est aussi même si le chiffre de 1 milliard en 2100 est finalement erroné
[4] Les Alpes s’effondrent et lien avec le changement climatique
[5] Les ambitions de la Chine en ce qui concerne la lutte climatique
[6] Magnifique article de Waitbutwhy où j’ai trouvé cette équation « Why generation Y Yuppies are unhappy »
[7] Article d’Apreslabiere: « Entre la connaissance et les émotions, qui gagne ?«