Laos, les émotions au rendez-vous
Sabaïdee ! C’est vrai que ça veut dire « bonjour », mais ce mot devient vite commun dans ce pays car les locaux s’en servent surtout pour exprimer leur sourire éternel. Ajouter à ça les retrouvailles avec la famille et cela fait un bon cocktail de bonheur à vélo sur les routes du Laos.
Sur la route de Vientiane
Si les rizières sont vertes fluo du côté Est des montagnes au Vietnam, nous passons directement dans un paysage nous rappelant pourquoi la saison sèche porte ce nom dans ce climat tropical : nous enchaînons les journées de vélo sur un relief plat dans un décor jaune paille où les vaches se régalent des épis de riz secs de la dernière saison humide. Nous avançons assez vite pour retrouver le Mékong que nous avions quitté au Cambodge deux semaines auparavant avec Ainaz. La route le long de ce fleuve légendaire n’est pas vraiment intéressante à rouler dans cette région donc nous enchaînons les kilomètres pour rejoindre Vientiane, la capitale. C’est ici que nous souhaitons gérer les formalités administratives pour l’obtention du visa chinois et profitons par la même occasion pour peaufiner la dernière vidéo de présentation du projet. Nous sommes hébergés chez Thi-Von, une amie de la mère de Siphay. Elle est institutrice au lycée français de la capitale et nous convie à venir faire une présentation du projet à sa classe durant l’heure de « vie de classe » des 6ème B ! Nous voilà donc à présenter notre dernière vidéo devant une bande de jeunes extrêmement curieux et plein de questions intéressantes. Toujours un plaisir pour nous.
Nous devons donc passer à l’ambassade chinoise pour obtenir un visa et pouvoir continuer notre route en Chine. Nous apprenons vite qu’il nous faut obligatoirement un billet d’avion prouvant que nous allons sortir du pays avant une certaine date, un relevé de compte justifiant que nous avons assez d’argent pour subvenir à nos besoins, notre carte d’assurance ainsi qu’une réservation d’hôtel en Chine… Siphay et Morgan n’ont pas d’assurances mais font imprimer leur carte de responsabilité civile, nous faisons une réservation pour un hôtel dans la ville de Kunming en Chine qui nous coûte 0,70€ chacun et allons voir une agence de voyage qui nous imprime une réservation de billet d’avion pour à peine 2€ par personne… Nous emmenons nos dossiers complets à l’ambassade de Chine et y laissons aussi nos passeports. Ils nous disent de revenir dans une dizaine de jours, nouvel an chinois oblige… nous partons donc pour Luang Prabang, à 400km de là, en croisant les doigts, sans aucunes certitude que nos dossiers soient acceptés.
Luang Prabang, la famille !
La route allant de Vientiane à Luang Prabang est magnifique. Il n’y a pas d’autre mot. Tellement d’ailleurs que c’est une route très empruntée par les cyclistes voyageurs. Nous n’en avons jamais vu autant ! En 400 km nous avons croisé au moins 15 vélos chargés allant dans le sens inverse. Pas mal arrivent de Thaïlande ou s’y rendent. Certains vont vers la Chine et même jusqu’en Europe pour d’autres, comme nous. Et la route offre de vrais challenges de cyclistes : un col à 1800m et plusieurs autres au-dessus de 1000m. A Poukhoune, en haut du col, la vue est exceptionnelle sur la vallée. La suite du trajet vers Luang Prabang est ardue également, surtout à cause de la chaleur et de l’humidité. Mais bon ce n’est rien comparé à ce qui nous attend de l’autre côté de la frontière en Chine.
Siphay a des origines laotiennes (aussi). Et il a de la famille dans cette ville aujourd’hui devenue très touristique. Du coup il a pensé que d’avoir toute sa famille de France sur notre route au Laos serait juste énorme, et c’est ce qui est arrivé. Tout le monde a pris son billet d’avion. Et puis nous nous sommes dits pourquoi pas les autres après tout ? Du coup les parents et amis de tout le reste de l’équipe ont débarqué pour 2 semaines de retrouvailles exceptionnelles. Au total, nous étions 34 personnes réunies autour d’un barbecue lorsque nous avons réuni tout le monde pour l’occasion. La famille Solidream élargie était là autour d’un succulent magret de canard !
Brian donne son ressenti : « C’est un luxe de pouvoir voir notre famille sur la route. Un luxe émotionnel tout d’abord qui permet de recharger les batteries pour un nouveau départ. Mais aussi un luxe de confort dans un voyage où le sol reste notre lit dans la grande majorité des cas. Non pas que cela soit nécessaire, mais il faut avouer que cela procure un bien être non négligeable.’’
Etienne, le départ
Comme convenu le jour où Etienne a rejoint l’équipe à Phoenix aux USA, Etienne rentre en France avant la fin. Il est venu partager un an d’aventure avec ses amis d’enfance, une année inoubliable pour lui comme pour nous (entrecoupée de 2 mois de retour en France après sa fracture de la clavicule au Canada).
Et oui, après 2 semaines de vacances à Luang Prabang, Etienne rentre en France. Le mieux est de laisser la parole à l’intéressé pour les impressions :
Etienne : « 5,4,3,2,1,… Le compte à rebours retentit dans ma tête. A quelques jours d’atteindre Luang Prabang, mon sentiment est mitigé. A la fois heureux d’atteindre le but tant attendu et retrouver nos familles après tout ce temps, mais aussi angoissé de savoir que c’est l’étape qui marque la fin du chapitre Solidream pour moi… Ainsi, c’est le cœur gros et les yeux humides, devant la porte d’embarquement de l’aéroport, que je dis au revoir à mes frères d’aventures. « A tout à l’heure ! » comme on se dit.
L’avion décolle, c’est une page qui se tourne. Pour prolonger un peu la magie du voyage, et comme par esprit de contradiction, c’est en short et tongs que je débarque à Paris sous les yeux effarés des autres passagers, et par 2°C… Même pas froid !!! Me voilà en France; j’ai comme l’impression que je suis parti il y a à peine 2 semaines. Rien n’a changé, sauf peut-être le sourire des gens et les milliers de questions que l’on me pose lorsque je leur rends visite. A peine née alors que je partais rejoindre les copains aux Etats-Unis, ma petite nièce marche désormais et bafouille des « tonton » par-ci par-là…
Je suis également agréablement surpris de voir à quel point le regard des gens sur l’hospitalité a changé. Pas tous prêts à accueillir le premier voyageur qui passe par là, la plupart des gens que je retrouve se questionnent quand même sur le sujet; c’est déjà pas mal. Solidream a peut-être réussi à changer quelques mentalités.
– « Alors ce retour à la réalité, la VRAIE vie… ? »
Voilà la principale remarque et question que l’on me pose. Bien que je comprenne le sens de la question, je reste toujours un peu surpris. Durant ce voyage, je n’ai pas arrêté de vivre ! Faut-il vivre sous pression, entendre parler de la crise, du chômage, se dire que tout va mal pour être dans la VRAIE vie ?!
Une chose que le voyage m’aura appris est que malgré les galères, les engueulades, les casses, le mauvais temps, etc. il faut garder à l’esprit un petit brin d’optimisme qui nous apportera tant de rencontres, de bonheur et d’opportunités. « Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité ».
Aujourd’hui, j’espère que je pourrai me servir de cette expérience pour rester optimiste et transmettre ce virus autour de moi.
1,2,3,4,5, … Le compte à rebours est lancé, mais cette fois il est interminable 🙂 »
Nous ferons donc la dernière partie du chemin à 3, Siphay Morgan et Brian. 6 mois nous séparent désormais de la date retour, du 31 août 2013. Nous devons encore traverser la Chine, le Kazakhstan et autres pays en ‘stan’ pour arriver en Turquie puis en Europe. Il manquera un gars de 2 mètres pour nous couper le vent et nous faire de l’ombre et ça nous manquera. Nous espérons de notre côté qu’il trouvera un sens à sa nouvelle vie et que les traces qu’aura laissé l’aventure humaine de Solidream lui changeront le quotidien, dans le meilleur sens du terme.
La magie de Luang Prabang
Nous avons obtenu 30 jours de visa chinois pour faire les 5000km dans cet immense empire. Une distance impossible à couvrir en si peu de temps à vélo… nous devons réfléchir à de nouvelles options : faire une demande d’extension de visa, voyager en vélo-stop, passer par le Tibet, …
Le 7 mars 2013 les 34 personnes venues de France pour nous voire au Laos sont reparties. Nous nous retrouvons que tous les 3 et nous nous laissons quelques jours pour nous remettre de nos émotions. Et là, comme par magie, les belles rencontres s’enchaînent sans compter. Tout commence par une mini-conférence que nous animons dans un bar-piscine « La Pistoche ». Les gens, séduits par les valeurs de Solidream, nous invitent à tour de rôle dans leurs différents restaurants et bars de la ville. Mais surtout, le cousin de Siphay, Yannick, un brillant et généreux entrepreneur, trouve du temps à nous consacrer, et quel temps ! Il nous fait déguster les mets les plus délicieux que l’on puisse trouver dans tout le Laos, nous présente à des gens extrêmement intéressants et chaleureux et il nous fait partager sa vie extraordinaire pendant quelques jours.
C’est ainsi que nous sommes toujours à Luang Prabang, 2 jours avant la date d’expiration de nos visas… Nous n’avons pas réussi à partir tellement les gens sont géniaux autour de nous. Il nous reste 48 heures pour rejoindre la frontière située à 350km de là. Yannick et ses amis, devenus nos amis, Jean-Marc, Dani et Suzy nous avaient proposé, quelques jours avant, de nous emmener en voiture jusque Boten à la frontière où nous pourrons rentrer en Chine pour la suite de notre périple. Nous hésitons tellement ils ont déjà fait pour nous mais ils nous répètent que c’est un plaisir pour eux. Nous acceptons donc.
Le 11 mars nous quittons Luang Prabang avec un pick-up, un minibus et nos 4 amis. Après un excellent pique-nique au bord d’une cascade et 300km dans les montagnes nous passons la nuit invités dans un charmant hôtel. Nos amis ne comptent pas et ils ne veulent pas nous voir sortir un seul dollar de notre poche. Le lendemain matin, ils nous déposent à la frontière, les au revoir sont émouvants. Nous sommes tristes de les quitter. Nos comportements sont étranges. Siphay ne retrouve pas ses affaires dans ses sacoches, Brian essaie de parler d’autres choses pour nous changer les idées tandis que Morgan est déjà nostalgique et relate tous les bons moments des 4 dernières semaines… La frontière à peine passée et nous voilà bien pensifs dans les rudes montées du relief chinois. Ce nouveau départ est aussi difficile physiquement qu’émotionnellement. Mais le voyage nous rattrape, c’est reparti !